Akira Hino senseï

Vers l’âge de dix ans j’ai vu des images de “Mifune judan” du Judo …


Hino senseï pendant notre entrevue - Paris 2014.

Pourquoi avez-vous commencé le Budo ?

Les enfants sont curieux de ce genre de choses dès l’enfance. Vers l’âge de dix ans j’ai vu des images de “Mifune judan” du Judo, et c’est aussi à cette époque que j’ai entendu pour la première fois “Ju yoku go o sei suru”, le souple vainc le dur. Bien sûr à cette époque je ne comprenais rien de tout cela, et je voyais simplement un petit homme âgé en projeter des grands. Et surtout, on avait l’impression qu’il ne les touchait pas ! Cela a fortement éveillé ma curiosité, mais ce n’est pas allé plus loin.
C’est lorsque je suis devenu batteur de Jazz professionnel que j’ai réellement débuté la pratique. La puissance des joueurs étrangers est impressionnante, et je cherchais une solution pour arriver au même résultat. Je réfléchissais et je me suis dit que certains gestes des arts martiaux étaient similaires à ceux que j’utilisais. C’est alors que je me suis mis à la recherche d’un dojo, et j’ai d’abord débuté par le Fudosen Shorinji Kempo.

[Note du traducteur : Mifune judan : surnom donné à Mifune Kyuzo, 10ème dan, l’un des plus grands experts du Judo]

Comment se sont passés vos débuts ?

J’ai un petit gabarit et je me souvenais de cette maxime que j’avais découverte à l’âge de dix ans, “Ju yoku go o sei suru”. J’ai alors demandé à l’enseignant si un petit pouvait vaincre un grand. Il m’a répondu “Pas de problèmes, c’est possible”. J’ai alors commencé à pratiquer. Mais en fait les grands gabarits étaient plus forts. (rires)
A partir de là, tout en continuant à pratiquer le Shorinji Kempo, je suis allé visiter des dojos de Karaté, de Kung-Fu, etc. Au final les grands gabarits étaient toujours les plus forts !
Je cherchais une solution mais à l’époque ce n’était pas comme aujourd’hui avec internet, et les informations étaient très limitées. Comme je ne trouvais pas ce que je cherchais, je me suis mis à réfléchir au problème moi-même. C’est là qu’ont réellement débuté mes recherches personnelles.

Quel âge aviez-vous ?

Environs vingt-deux, vingt-trois ans.

Et depuis combien de temps pratiquiez-vous à l’époque ?

A peu près deux ans.

Et continuiez-vous à jouer de la musique professionnellement en parallèle ?

En fait il n’y avait pas d’un côté l’entraînement martial et de l’autre la musique. Par exemple lorsque je jouais de la batterie, je le faisais en pensant aux paroles de Miyamoto Musashi dans le Gorin no Sho. Tout cela ne faisait qu’un pour moi.

Peut-on développer une grande puissance avec un petit gabarit ?

Oui, si on utilise correctement le corps, on en devient capable.

Mais si deux personnes modifient la façon d’utiliser le corps, alors la plus grande sera plus puissante ?

Non, ce rapport n’a plus réellement d’impact. Sans compter que généralement la question ne se pose même pas, dans la mesure où les personnes de grand gabarit ne cherchent pas à modifier la façon dont elles utilisent leur corps. Elles ne l’utilisent généralement pas de façon optimale, mais comme elles obtiennent tout de même des résultats, elles ne vont pas plus loin. C’est d’ailleurs même le cas de la majorité des gens.
On naît, on marche, on court. Notre corps bouge dans de multiples activités, et nous acquérons des habitudes. Et ce sont ces habitudes que l’on utilise lorsque l’on pratique le Karaté, la Boxe, etc. La plupart des gens bougent simplement sans jamais avoir réfléchi à la façon de le faire.
“J’ai envie de battre mon adversaire.”, “Je suis plus fort.”, c’est simplement ce genre de choses qui sont exprimées. Il n’y a pas de réelle réflexion ni recherche.

Peut-on arriver à des résultats immédiatement ?

Non. Le but n’est pas simplement d’arriver à reproduire une forme extérieure. Comme je le disais précédemment, on ne bouge qu’avec nos habitudes. Et en réalité nous n’avons pas une connaissance et une conscience correctes de notre corps. L’entraînement vise à modifier cela, et c’est quelque chose qu’il est impossible de réussir instantanément.

Est-ce que votre art est un Budo en lui-même, ou une façon d’utiliser le corps pour pratiquer les Budos ?
Au Japon comme ici, les gens aiment catégoriser. Ceci est le Budo. Cela n’est pas du Budo. Pour pouvoir gagner sa vie on est obligé de déterminer des territoires ainsi, mais tout le monde se laisse prendre par cela et plus personne n’est capable de voir l’essence des choses.
Le Budo est une voie qui nous permet de nous connaître nous-même et d’étudier notre relation aux autres, en travaillant sur le corps. En ce sens ce que j’enseigne est pour moi l’essence du Budo.

Vous enseignez de la même façon aux Budokas de toutes origines ?

J’enseigne à des Budokas d’origines diverses, mais aussi à des musiciens professionnels, des médecins, des danseurs, des compétiteurs de sports de combat, mais aussi de sports aussi divers que la course cycliste ou le patinage artistique. Je m’adapte non pas à leur discipline, mais à l’individu auquel je fais face. Hormis cela, il n’y a pas pour moi de frontières dans l’étude du Budo. Donc pas de modification en fonction de leur pratique.

Vos élèves viennent-ils pour mieux pratiquer leur discipline, ou vont-ils se consacrer à la voie que vous leur proposez ?

Il n’y a pas de règle, et là aussi c’est fonction de l’individu. Toutefois en règle générale au départ un joueur de Base-ball va chercher à mieux frapper, un lutteur à être meilleur dans sa discipline, et ainsi de suite. Et c’est ce que je les aide à faire. Mais en pratiquant cela évolue car ils adoptent naturellement une certaine façon de penser. Ce qui fait qu’un lutteur va faire du Budo en pratiquant la lutte. C’est sa façon de voir les choses qui évolue.
Lorsque j’ai été enseigner à la Forsythe company, j’ai bien sûr enseigné des techniques de mouvement du corps liées à la danse, mais tout le monde comprenait qu’il s’agissait de Budo. Et c’est cela qui a éveillé leur intérêt.

Quels enseignants vous ont influencé?

Plutôt que des enseignants, ce sont les écrits du passé comme le Gorin no sho de Miyamoto Musashi. Je les étudiais en cherchant comment réaliser aujourd’hui les choses dont il parlait.

Etudiez-vous encore les écrits du passé aujourd’hui ?

Oui. Les conclusions auxquelles j’arrivais il y a vingt ans ne sont plus les mêmes que celles auxquelles j’arrive aujourd’hui. Notre compréhension évolue avec le temps, c’est pourquoi il est toujours passionnant de se replonger dans les fondamentaux.
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