Max Mechard

un vétéran de l’Aïkido


Max Mechard pendant notre entrevue à Montpellier 2016

 C’est Paul Muller, vers 1995, qui a évoqué le premier votre nom devant moi. Puis Michel Becart m’a parlé de vous. Vous avez travaillé avec eux ?

Ce sont des personnes que j’ai connues lorsque j’ai commencé l’aïkido. Il y avait à l’époque assez peu de salles d’aïkido, la pratique se faisait dans les salles de judo.

À l’époque, je vivais à Nice et il y avait un cinéma qui ne passait que des documentaires et de l’actualité. Un ami asiatique, qui savait que cela m’intéressait, m’a proposé d’aller avec lui voir un documentaire sur l’aïkido. J’avais déjà lu des revues, et le livre La victoire par la paix. Ce documentaire portait sur Tadashi Abe. J’ai vu, parmi ses uke, un homme que j’ai bien connu après, qui s’appelait Pierre Chassang, qui a été le mentor de maître Tamura. Cela m’a conforté dans ce que je voulais faire mais il n’y avait pas encore, à l’époque, d’enseignant japonais. À Nice, j’ai commencé par le judo et le karaté, dans la salle de Bogaert, qui était un ami de Chassang. Ce dernier, lui, était à Cannes.
En septembre 1961, maître Noro est arrivé chez Jean Zin, à Marseille. Avec des amis, nous avons décidé d’aller le voir et par Bogaert nous avons pu le faire venir à Nice pour qu’il donne des stages dans son club. L’année suivante, j’ai pris ma licence et j’ai eu comme priorité de faire de l’aïkido, avant le judo et le karaté.
Maître Tamura est arrivé en 1964. C’est Noro, le premier, qui nous a fait connaître l’aïkido. Il n’y avait pas de structures d’aïkido encore et cela se passait dans les dojos de judo. Noro ne nous a pas donné d’explication lorsqu’il est parti à Paris. C’était un homme secret pour certaines choses. Il ne dévoilait pas son devenir. C’est pour cela que j’ai été très surpris, plus tard, lorsqu’il a créé le kinomichi. S’il s’était agi de Tamura ou de Nakazono, j’aurais compris cette évasion, mais de la part de Noro, cela nous a sidérés.

À Nice, Tamura a pris le relais. Pour ma part, j’avais réussi professionnellement les concours pour entrer dans la police nationale et je suis arrivé à Paris. Je suis allé chez Noro rue Constance, dans son deuxième dojo après la Gare du Nord. Je serais resté avec lui jusqu’au bout s’il avait continué à faire de l’aïkido. Mais de lui-même, par la suite, il a voulu faire son kinomichi, alors qu’initialement, il était plus « guerrier» que Tamura. Ce dernier a toujours essayé de vulgariser l’aïkido alors que Noro était plus élitiste. Il nous faisait des entraînements parfois assez durs. Je me souviens qu’il est venu quelquefois avec une barre de fer et qu’il nous faisait faire des tsuburis avec cette barre. Il aimait bien la confrontation et j’ai beaucoup apprécié cet aspect de sa personnalité. Il aurait été un extraordinaire entraîneur s’il était resté dans l’aïkido. Lorsqu’il est parti, il a eu l’honnêteté de nous dire qu’il allait changer, faire autre chose. À l’époque, il faisait de l’ikebana, il avait des activités un peu parallèles, il cherchait aussi la compagnie de gens instruits. D’ailleurs le premier président de son club était un général, ingénieur en retraite. Il a aussi connu brièvement Durkheim et il en était assez fier. Il nous a proposé d’aller voir Nakazono, qui était à Paris. De la part de ce dernier, cela a été une fin de non-recevoir, pour deux raisons. Il ne nous a pas donné la première mais la deuxième, d’après ce qu’il nous a déclaré, était que l’élève n’avait qu’un seul maître et que nous devions le rester. Nous lui avons expliqué que c’est Noro qui nous avait dit de partir si nous voulions faire de l’aïkido mais il a refusé. Ce que j’ai su par la suite, du fait que j’étais fonctionnaire de police, c’est qu’il avait des problèmes avec la justice puisqu’il faisait de la médecine parallèle, ce qui est très négatif en France.

À l’époque, j’étais ami avec Tavernier, qui était le numéro un des anciens élèves de Nakazono et qui s’était mis à pratiquer le Kototama. Il avait hérité d’une dame âgée, boulevard Saint-Michel, un superbe appartement au dernier étage. Je suis allé le voir avec Paul Muller et en bas de l’immeuble il y avait une plaque : « Tavernier, docteur en Kototama ». Cela frisait un peu l’escroquerie … nous sommes montés et lorsqu’il nous a ouvert la porte, il était en blouse médicale blanche. En même temps qu’il me disait « bonjour Max », il me prenait les méridiens… cela m’amusait parce que ce n’est pas à moi qu’il pouvait la faire, je connaissais cela comme lui. Je n’ai personnellement jamais cru au Kototama, même si je n’empêche pas les gens d’y adhérer, mais mettre une étiquette « docteur en Kototama »… on peut en effet être docteur en philosophie, etc., mais dans l’esprit du Français moyen, le docteur, c’est le médecin. Je l’ai perdu de vue ensuite parce que je n’ai pas cherché à continuer dans cette voie. C’est ce qui a fait que Nakazono est parti aux États-Unis. Là-bas, il a fait florès et il a gagné paraît-il pas mal d’argent en pratiquant sa médecine pour laquelle il a eu apparemment les autorisations des Américains. En France, ce n’était pas possible et la période Nakazono s’est très vite effacée.
Tamura a pris le relais mais, malheureusement, il a toujours voulu habiter dans le sud, où il se plaisait beaucoup.

Tamura m’a raconté qu’il était monté à Paris parce que Noro lui avait dit qu’il avait un dojo où il pouvait venir, mais qu’en fait il n’y avait pas de dojo.

Je pense aussi qu’il se plaisait énormément dans le Midi. C’est là qu’il nous a fait cet ultimatum, en 1982, en décidant de quitter la fédération de judo et de monter une nouvelle association nationale. En tant que fonctionnaire de police, j’avais fait mes études de droit et je lui ai dit que cela poserait un problème parce que nous ne pourrions plus aller au CREPS, qui est un institut national, que toutes les salles de judo allaient lui fermer leurs portes parce qu’elles vivent grâce à la fédération de judo. Bogaert, par exemple, a dit qu’il ne suivait pas. Il était 6ème dan de judo et il est resté dans la FFJDA.
Je pensais pour ma part que c’était très japonais de créer son clan, son socle. J’ai apprécié ce que Noro a fait parce qu’il a créé son système et qu’il a dit : «si cela ne vous plaît pas, vous partez». Tamura, lui, était délégué technique national. Avec Nocquet et Mochizuki, ils étaient les trois premiers délégués techniques nationaux. En 1974, c’était la création de l’UNA. Nocquet en a profité pour se faire nommer 6ème dan juste avant la fusion. C’était un compromis. J’en souris parce que je suis extérieur à cela. Pourquoi pas ? Par rapport à Mochizuki, il avait l’âge. C’était un homme très sympathique que j’ai beaucoup apprécié. Nous faisions sans cesse des réunions ensemble pour monter l’Union nationale d’aïkido. Tamura était très bien, à cette époque-là, aussi.

C’était Mochizuki le jeune ? Je me souviens avoir parlé avec lui. Il m’avait dit qu’il devait retourner au Japon pour terminer ses études de vétérinaire et qu’il allait revenir ensuite en France.

Moi-même, je l’ai perdu de vue ensuite. Lui a eu l’intelligence de dire que ce qu’il faisait n’était pas de l’aïkido mais du Yoseikan Budo. Il avait certainement une bonne relation avec Tamura et il n’a pas voulu le gêner. De ce fait, il a très peu participé à l’Union nationale d’aïkido en France puisqu’il s’est mis de lui-même de côté. Mais j’ai apprécié ce monsieur, qui était quelqu’un de très bien.
J’ai un peu connu Nocquet à cette époque. C’était aussi un homme sympathique et certainement, dans sa jeunesse, quelqu’un de très solide physiquement. La dernière fois que je l’ai vu, il devait avoir 85 ans, c’était un peu avant sa mort et il était encore très costaud, avec une charpente osseuse importante. Il est vrai que son aïkido n’était pas celui de Tamura. Comme dans beaucoup de pays, le Japonais avait la préséance, puisque c’était l’époque où l’on découvrait la discipline et l’on donnait peut-être trop aux Japonais. Pour Tamura, j’en suis sûr. C’est un homme que j’ai très bien connu et qui ne rendait jamais la monnaie de la pièce. Il avait des qualités. Je pense que c’était un homme bien et il a toujours été très correct au niveau de l’aïkido. Pour moi, c’était un formateur de masse et il a en effet fait monter l’aïkido en France. Il avait ce côté très difficile d’accès des Japonais et il en usait aussi. Nous n’arrivions jamais à parler franchement avec lui et il mettait souvent Chassang devant lui.
Ce qui ne m’a pas plu, à moi, à Paul Muller et à beaucoup d’autres, c’est que nous sommes allés un jour à une assemblée générale de l’UNA. Il avait préparé la séance avec le président. Certaines personnes ont pris la parole pour remettre en cause la préséance de la FFJDA. Je considérais pour ma part qu’elle était normale puisqu’ils étaient plus puissants que nous, au niveau des structures, au niveau de la reconnaissance, avec la compétition, etc. Nous, nous étions un satellite, nous faisions partie intégrante de la FFJDA et nous profitions des installations, du CREPS … après Tamura, j’ai été le premier délégué technique. Je venais de la CFA de Tamura, Lorenzi et Michaud sont partis très rapidement. Chassang s’occupait de la région Nord, Tavernier, que j’ai cité tout à l’heure, était dans le Sud-Ouest. Arnulfo, que je connais bien aussi, était dans le Sud et il y avait aussi Paul Muller. Il y avait donc ces fameuses ligues. Cela s’est très bien passé à l’époque, nous n’avons pas eu de problèmes et nous avions de très bonnes relations avec les autres personnes, et tout s’est écroulé.
Après une période à Paris, j’étais allé dans le Midi. Lorsque je suis arrivé à Marseille, maître Tamura avait demandé si je voulais être délégué technique du Sud-Ouest, où il n’avait personne, dans la région de Toulouse, en attendant d’avoir celle du Sud-Est, puisque j’étais niçois d’origine. J’ai fait les deux avec lui, j’avais les bras ouverts et je l’appréciais, mais il a toujours été très secret. Il était difficile d’être son ami. La seule personne qui a eu un impact sur lui est Pierre Chassang, qui était très influent. Tamura m’a dit une fois : « oui mais c’est lui qui m’a accueilli à Marseille ». Selon moi, ce n’est pas suffisant.
En 1982, j’ai donc été obligé de partir. Tamura est terrible de ce point de vue parce qu’il n’accepte pas de compromis. Dès cet instant, nous avons été floués et nous nous sommes retrouvés, Paul Muller, moi et d’autres comme Arnulfo, dans la FFAAA. Ce que j’ai toujours dit, parce que c’est une vérité profonde, même si elle a été contestée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, c’est que cet état de fait a été utilisé brillamment par Christian Tissier. Il est arrivé, tout jeune, du Japon où il était parti. J’ai bien connu Christian Tissier, qui était très fort intellectuellement à ce niveau, au niveau de l’aïkido. Il avait compris bien des choses. Mais il a eu le terrain pour lui, puisque Tamura était parti en laissant la place.

Tamura m’a dit qu’il avait demandé à Christian mais que celui-ci a voulu rester à la fédération de judo. Il est resté un an encore puis il en est sorti lui aussi. Il y a eu la FFAB -  la FFLAB. La FFAAA a eu beaucoup de problèmes pour entrer dans cette FFLAB.

Ce n’est pas de la faute de maître Tamura mais de tout l’aéropage qui a suivi … nous étions le premier rideau d’élèves mais il y en a eu ensuite un deuxième, avec Jean-Paul Avy notamment. Moi j’étais déjà 4ème dan à l’époque et j’ai vu ces jeunes accéder au 1er dan. Il s’est fait aider par ce deuxième rideau, mais le premier rideau a été rejeté. Le cas d Arnulfo est très particulier et n’a rien à voir avec les fédérations. Arnulfo devait lui construire sa maison et Tamura a préféré d’autres personnes pour le faire, ce qu’il a très mal apprécié. Mais Arnulfo était à l’époque le numéro un. Dans le livre de maître Tamura, c’est lui qui est uke.

Vous avez raison de dire qu’il était difficile d’être ami avec Tamura mais je crois qu’il avait de bons contacts avec Stéphane Benedetti.

À partir de 1982, je ne peux plus parler de Tamura parce que pour lui, dès l’instant où l’on n’était pas avec lui, on était contre lui. Nous n’avons jamais pu, ensuite, manger ensemble au restaurant. J’ai connu maître Tamura, c’est le privilège de l’âge, à l’époque où il venait à Paris voir maitre Noro, en mai 68. Dans la rue Constance, il y avait un petit bar en face du dojo où maître Noro allait prendre son café. Lui et Tamura me disaient que comme ils n’avaient pas d’élèves à cause des événements, ils se partageaient un café à deux. Nous, les anciens, apprenant cela, nous donnions un peu d’argent en plus. Il aurait été bien de la part de Tamura de le dire, de reconnaître qu’il avait été aidé par certains. Je pense que cela l’aurait au contraire valorisé, mais il a caché tout cela.
Nous, les Européens, nous avions beaucoup d’affection pour eux, lorsqu’ils sont arrivés en France. Nous les avions presque déifiés. Un expert japonais avait une aura extraordinaire, comme, au karaté, le « cri qui tue », ce qui fait sourire maintenant. Il pouvait par conséquent tout se permettre avec nous mais ensuite, cela a été mal vécu. Nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait pas du tout de reconnaissance. Maître Tamura m’avait dit une fois : «lorsque vous êtes allé au Japon, êtes-vous allés sur la tombe d’Osensei ? ». J’ai été surpris. J’ai répondu que non, parce que nous étions à l’Aïkikai, nous n’avions pas suffisamment d’argent – je crois qu’il a été enterré dans une petite ville – nous ne savions pas et personne ne nous l’avait dit. Pour lui, c’était un signe de reproche, de réprobation. C’était faux, parce que lorsque maître Noro est décédé j’ai attendu et après la cérémonie, je suis allé voir son tombeau à Paris. L’année dernière, j’y suis allé avec Michel Bécart. Cela fait partie de ce que chacun a en interne. Nous n’avons pas besoin de partir en cortège sur la tombe d’Osensei et de nous faire prendre en photo. Cela fait un peu carte postale, cliché, et ce n’est pas le sentiment. Même à 73 ans, Noro ayant mené sa vie, j’ai voulu voir où il était enterré. Nous avons mis longtemps à trouver sa pierre tombale. Comme sa femme avait demandé les sacrements à l’église de la Madeleine, j’ai cru qu’il était devenu catholique, mais il n’y avait pas de croix sur son tombeau.
C’est donc un peu l’amertume qui m’habite après coup. Si j’avais seulement été voir Tamura et payé ma cotisation, ce n’était pas un problème. Mais les premiers ont fait plus que cela. Avec Arnulfo, Paul Muller, nous avons fait beaucoup mais nous en étions fiers et nous ne le disions pas. Lorsque je venais d’être 4ème dan, j’avais demandé à maître Tamura si nous ne pourrions pas avoir quelqu’un qui nous fasse monter maintenant vers le 5ème dan parce que lui, nous ne pouvions le voir que deux fois par an lorsqu’il venait en stage à Paris et ensuite, il fallait aller à Bras, c’était difficile. Il en a convenu, il a proposé de faire venir Chiba. Maître Chiba est venu pendant deux ans et demi, avant de repartir au Japon comme secrétaire de la fédération internationale.
De temps en temps, lorsqu’il y avait une réunion, maître Tamura venait nous voir. Comme il montait sur le tatami, et que par préséance, Chiba lui laissait le cours, moi je me sentais obligé, en tant que trésorier de la Ligue, de le payer. À l’époque, c’était de l’argent non déclaré aux impôts. Je lui donnais le double, parce que j’aimais Tamura. Seulement, entre eux deux, Japonais, ils se sont dit cela, et Chiba m’a demandé comment il se faisait que Tamura, pour une heure, avait touché tant et que lui-même touchait tant alors qu’il faisait plus d’heures. Cela s’était retourné contre nous. Si je vous donne de l’argent au black, vous n’allez pas le dire à tout le monde. Même si j’étais policier, pour moi, l’aïkido était un autre monde. Je considérais que Tamura était mon sensei, nous avions un peu d’argent dans les caisses, où il n’allait pas fructifier, donc je lui donnais un peu plus. Il a été le dire… je n’ai pas eu de résurgence négative à son égard puisque, à partir de 1982, c’était le mur de Berlin. Je ne pouvais pas aller à ses stages. J’avais l’habitude d’aller à la Colle sur Loup, puisque j’avais toujours un appartement à Nice, et je ne pouvais plus y aller alors qu’il y avait Yamada sensei en même temps, et que j’aimais bien Yamada.

Je me souviens que la première fois que je suis allé à la Colle sur Loup, c’était en 1988 ou 1989, j’avais eu un passeport FFAB et un FFAAA.

Oui mais normalement c’est impossible. Par contre – ce que ne fait pas la FFAAA – lorsqu’il y a un stage organisé par la FFAB, ils demandent de payer la cotisation d’assurance de la FFAB. Ce ne sont peut-être pas des choses à faire puisque de toute façon ils ont le paiement du stage, mais ils se sentent obligés de faire payer un surcoût. Ce n’est à mon avis pas une bonne politique. Une personne qui pratique l’aïkido paye son stage et puis c’est tout. Même sans parler de l’assurance propre de chaque fédération, j’ai ma propre mutuelle et si j’ai un accident, je préfère passer par la sécurité sociale et ma mutuelle que de passer par l’assurance de la fédération parce que je serai bien mieux remboursé.

Pourquoi avez-vous choisi l’aïkido ?

C’est une bonne question parce que je peux dire aujourd’hui, pratiquement, que je me suis trompé. Je suis le seul à le dire mais c’est peut-être parce que maintenant j’ai pris du recul. Lorsque j’ai lu La victoire par la paix, lorsque j’ai vu Tadashi Abe, c’était l’art martial. Lorsque Tadashi Abe est reparti au Japon, huit ans après, il a dit, alors que Osensei était toujours en vie, que l’aïkido, maintenant, ce n’était plus l’art martial, et il a quitté l’aïkido. C’était un homme de conviction. Pour ma part, j’ai pensé que c’était non seulement un art martial mais que c’était le meilleur des arts martiaux puisque que l’on disait que c’était la synthèse des arts martiaux. Comme j’étais policier, en même temps, je me suis dit que cela allait me servir. J’ai fait toute ma carrière pratiquement dans la police judiciaire, j’ai été notamment à la brigade de répression du banditisme pendant neuf ans à Paris, aux 36 Quai des Orfèvres. À l’époque, les premiers moniteurs de la police nationale étaient d’anciens judokas. Nous prenions tout des arts martiaux alors que maintenant, ils ont codifié une méthode. À l’époque, on prenait des gens comme Floquet et comme moi pour former les jeunes policiers.
À moins que l’aïkido ait pris un virage à 180°, je considère que ce n’est plus vraiment un art martial. C’est pour cela que chaque fois, je me raccrochais aux branches et que je suivais Chiba, par exemple. Lorsque j’étais à Nice, j’allais avec maitre Tada. Parmi les experts japonais, c’était à mon avis ceux qui étaient le plus dans la tradition. Ensuite, cela a été en effet un peu un regret pour moi. Aujourd’hui, l’aïkido n’est plus ce qu’il était.

Est-ce que ce n’est pas l’évolution d’Osensei ?

C’est possible. Je n’ai pas connu Osensei et je ne sais pas quelle était sa motivation profonde. Lorsque j’ai vu arriver Noro, nous étions dans la salle de judo et il a dit : « tout le monde contre le mur. Je vais vous montrer ce que c’est que l’aïkido ». Il y avait Morin, un poids lourd, 4ème dan de judo, qui était en dernier. Il nous a dit : « mettez-vous de cette façon, serrez le poing, et je vais passer quand même ». Et il a fait shihonage. Il a fait tomber tout le monde, voire même certains qui criaient. Il a pris Morin, 4ème dan de judo, qui a résisté et qui s’est fait mal au bras. La présentation n’était pas celle que l’on fait maintenant. Pourtant, c’était Osensei qui avait formé toutes ces personnes. J’ai retrouvé un peu cela auprès de maître Tada, qui est aussi un ancien karatéka. Avec Paul Muller, nous sommes allés ensemble au Japon pour faire venir Nishio pendant une dizaine d’années. Lui, c’était le sabre et la transposition du sabre dans l’aïkido. Par conséquent, nous revenions à l’art martial. Ne parlons pas de Chiba, tout le monde sait qui il est. Jusqu’au bout, il est resté le même personnage. Il n’a pas essayé de s’adapter, il est resté identique à lui-même, qu’il ait 10 élèves ou qu’il en ait 200, c’était la même chose et il faisait le cours avec la même conviction. Ce sont des gens qui m’ont, en effet, vraiment touché.
Cependant, ce n’est qu’un avis. Tissier, avec qui j’ai beaucoup parlé, avait une autre vision des choses, que j’ai tout de suite admise. Tissier, c’était plus Yamaguchi, avec un travail moins basé sur la résistance articulaire, etc. Je le comprends très bien. Ce que je veux simplement dire c’est que si j’avais une vie à refaire, ayant vu l’évolution de l’aïkido, je ne l’aurais pas fait. Je serais resté au karaté. Avant la période où Maitre Tamura a fait venir Chiba, comme cela traînait un peu, j’avais commencé quelque chose qui venait d’arriver en France, j’ai fait du tae kwon do. Il y avait les gants et nous avions le contact avec l’adversaire. Tout cela m’a habité et je suis toujours resté sur la même demande. Aujourd’hui, je me dis que je me suis peut-être trompé. Mais ce que j’ai vu avec Noro au départ, Tada, Nishio, Chiba, m’a conforté avec l’idée de continuer l’aïkido et c’est un peu ce que pense, je crois, Michel Bécart, qui est un ami intime. Il n’a jamais perdu de vue l’aspect martial mais il a simplement dit qu’il fallait l’adapter aux élèves parce que nous ne vivons plus dans des périodes difficiles et que les gens acceptent moins de se faire mal.

J’ai remarqué aussi qu’en Allemagne, certains dojos ont arrêté de faire mal aux élèves parce qu’ils ont peur que ceux-ci quittent le dojo. J’ai observé que maître Tamura, jusqu’au 4ème dan, pratique un aïkido de masse. Ensuite, il y avait certains élèves spéciaux mais pas tous.

Le problème c’est qu’après 1982, ce n’était plus possible pour moi. Personnellement, j’ai accepté la démarche de maître Tamura et je me suis dit qu’en tant que pratiquant, je pourrais aller faire des stages avec lui. Malheureusement, ce n’était plus possible.

Il y a aujourd’hui pas mal d’aïkidokas qui idéalisent l’aïkido, avec une belle image, mais le caractère des hommes reste le même. De plus, il n’y a pas de combat, et cela leur manque.

À ce sujet, j’ai une anecdote, puisque j’ai vécu la période où Chassang avait évoqué la compétition et Tamura l’avait suivi. Il était d’accord pour l’ouverture à la compétition, mais lui avait vu l’option administrative, qui n’habitait pas encore les élèves comme Roberto et d’autres, qui ont fait un scandale lorsqu’on a déclaré qu’on allait essayer de faire une unité de combat uniquement pour avoir des subsides du ministère de la Jeunesse et des sports. Il s’agissait en quelque sorte d’une ouverture. Il fallait ensuite aménager la compétition,

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