Entretien avec Tasaka Sensei de Shingu à Japon

Chacun voulait tirer le maximum des techniques montrées par Mitsuo Tasaka Senseï.


Tasaka sensei dans le dojo de Jürg Steiner à Biel-bienne en Suisse

A Bienne, près de la vieille ville, se trouve le Dojo Centre Kumano. L'escalier qui mène au dernier étage du vieil immeuble est raide. Dès l'entrée on est accueilli par l'atmosphère japonaise que créent les divers objets et souvenirs que Jürg Steiner et son épouse Noriko ont ramenés du Japon. On se sent tout de suite à l'aise.

Me Mitsuo Tasaka a bien voulu répondre à mes questions. Je remercie Jürg Steiner qui nous a servi d'interprète.


Senseï, quand avez-vous commencé à pratiquer l'aïkido ?

J'avais 17 ans, il y a donc 29 ans de cela : j'en ai maintenant 46.


Aviez-vous auparavant pratiqué d'autres arts martiaux ?

J'ai commencé par le judo et le kendo. A l'université j'ai fait du judo.


Comment êtes-vous venu à l'aïkido ?

Et bien, quand j'avais cinq ans, j'ai rencontré un jour un vieux monsieur dans un sanctuaire shinto. Il m'a souri, m'a caressé les cheveux, et m'a demandé ce que je faisais là. Nous avons bavardé. Plus tard ma grand-mère m'a dit que ce vieux monsieur était O Senseï, que c'était un grand maître et le fondateur de l'aïkido.

J'ai gardé ce souvenir au fond du cœur. Des années plus tard je me suis souvenu de cette rencontre et je crois que c'était un signe qu'un jour je m'intéresserais à l'aïkido et m'y consacrerais.

Ma mère m'a soutenu. Elle me trouvait faible et voulait que je devienne fort. Elle pensait que l'aïkido était un bon moyen pour me renforcer physiquement. Ceci, et le souvenir de O Senseï ont été déterminants pour l'intérêt que j'ai porté à l'aïkido.


Votre enthousiasme pour l'aïkido ne vous est donc pas venu en pratiquant mais dérive de ce souvenir ?

Exactement ! Au départ je ne savais absolument pas ce qu'était exactement l'aïkido. Mais le souvenir de ma rencontre avec O Senseï était si fort, si profond, que je voulais apprendre ce qu'était l'aïkido.
La première fois que je suis allé au dojo, j'ai vu la photo de O Senseï et je me suis souvenu de ma rencontre avec lui comme si elle s'était passée la veille. Très impressionnant!


Dans quel dojo avez-vous commencé ?

Au Kumano Juku Dojo, en 1972.


Cela veut dire que vous êtes lié à ce dojo depuis une trentaine d'années ? Est-ce normal au Japon de rester si longtemps fidèle à un dojo ? En Europe on change relativement souvent…

Ce n'est certainement pas habituel, mais je n'ai eu jusqu'à ce jour aucune raison de changer de dojo. Au Japon nous avons un proverbe qui dit: « Si tu es à la recherche de quelque chose de véritablement profond, tu dois t'engager sur cette voie pendant au moins trois ans et t'y consacrer, y travailler, c'est seulement alors que tu sauras si tu es sur la bonne voie. »

Je suis très heureux d'être né à Shingu et d'avoir eu la chance de pratiquer dans ce dojo.


C'est aussi valable ici. Je pense que ce dicton est aussi valable en Occident. Il est important de rester sur la même voie, de pratiquer dans la même école, pour savoir si on est sur la bonne voie. Il est important, surtout en aïkido, de se constituer des bases solides dans un style donné, et ce sur une longue période. Pourriez-vous décrire le style pratiqué dans votre dojo ?

O Senseï venait au moins huit fois par an au dojo pour y enseigner et il restait chaque fois une semaine environ. Ainsi en ce temps-là Hikitsuchi Senseï a pu acquérir une connaissance approfondie de certains aspects de cet enseignement. Quand O Senseï était absent, c'est Hikitsuchi Senseï qui assurait les cours, dans le même style que O Senseï. Il en était le représentant. Je ne peux que le confirmer : Hikitsuchi Senseï a directement repris le style de O Senseï.

C'est ce que disent tous ses élèves, ils disent tous tenir leur style de O Senseï. Et cependant il y a entre eux de telles différences… Comment expliquez-vous cela ?

Je pense que cela dépend de la personnalité de chacun. Selon son caractère, selon sa personnalité, selon sa capacité d'assimilation, chacun percevra le style autrement, l'assimilera et l'interprètera différemment. Ainsi des différences peuvent effectivement apparaître.

O Senseï a tellement enseigné, tellement apporté, que je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir tout assimilé. Je pense que ses élèves, d'aussi près et aussi longtemps qu'ils l'aient suivi, n'ont pu saisir qu'une partie de ce qu'il nous a montré et ne peuvent que le transmettre partiellement.

J'ai vu beaucoup de styles, j'ai entendu beaucoup de choses, mais je pense que Hikitsuchi Senseï s'est approché de très près du style de O Senseï.

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