Le point de vue d'editions n°40FR d'AJ

La technique et la voie


André Cognard à bourg Argental – 2011.

Il semble acquis pour nombre d’entre nous que la technique ne suffit pas. Quand j’écris nombre d’entre nous, je laisse peut-être entendre qu’il s’agit là du plus grand nombre et j’ai assurément tort. Si l’aikido mute – je devrais sûrement dire «dégénère» – vers le sport, cela signifie que la plupart des prétendus pratiquants n’ont encore pas atteint le stade de la culture, qu’ils agissent et surtout réagissent dans le cadre qui est le leur, le plus primaire, celui de la soumission à leurs pulsions. Il est un fait qu’en ce sens ils suivent un mouvement qui caractérise notre société occidentale, le retour à l’absence de valeurs, le désir de l’obscurantisme et l’abandon à celui-ci. Ce qui compterait, ce serait d’être plus fort qu’un hypothétique adversaire, dans l’immédiat, et au travers d’une improbable confrontation directe dont les règles sont a priori faussées parce qu’indéfinies, implicites et plus ou moins inconsciemment reliées à une culture de la violence élégante ou supposée telle. On admire implicitement la brutalité pure, qui exclut toute modération, et la règle est précisément l’absence de règle. Les ultimate figthing sont l’illustration extrême d’une tendance qui caractérise notre monde, l’admiration nourrie d’une grande complaisance pour une violence naturelle qui trouverait sa légitimité dans la juste défense d’un soi imprescriptible, l’égocentrisme étant élevé au niveau d’une vertu, l’égoïsme étant un mode de vie et revendiqué comme tel. La société mercantile, sans autre règle que celle de l’argent, brutale, sans éthique, donne raison à ce mode de penser, à cette manière de concevoir tout ce qui n’est pas soi comme un territoire à prendre, dussions-nous le faire par la force. J’ai même peur de faire là preuve d’angélisme, la morale en vogue incitant plutôt à forcer, même ce qui ne s’oppose pas, pour l’adoration de soi et de sa propre puissance. La politique fait écho à l’économie et au commerce et tous ensemble créent le modèle sportif, grand fait de société, apologie de la rivalité, magnification de la violence parée d’une grandiloquence creuse, d’un verbiage outrancier, abusif, d’émotions de pacotille entièrement égocentrées, d’une totale absence d’empathie, l’autre n’étant là que comme l’objet permettant la mise en évidence de sa supériorité. L’absence de toute conscience morale est masquée par des poncifs lénifiants sur les supposés bienfaits de cette drogue collective, lien social, interculturalité, vertu éducative et l’on assiste à de la violence urbaine, du racisme et au nivellement culturel quand ce n’est pas tout simplement l’anéantissement de toute culture. Ces faits fréquents et scandaleux ne parviennent pourtant pas, malgré leur omniprésence puante dans les medias qui en sont friands, à occulter les affaires douteuses d’argent, de moeurs, de manipulations, de dopage dont le sport dit d …

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