Aïkido et mal de dos

Quelques minutes plus tard, alors que j’essaye de me relever, je manque de tomber à terre.


Lêo Tamaki pendant notre entrevue à Paris Mai 2013. ©

Le mal de dos est, dit-on, la maladie du siècle. Et il est vrai que l’on a souvent l’impression que chacun en souffre, en a souffert, ou en souffrira. Les pratiquants d’Aïkido ne font malheureusement pas exception. Confrontés à ce problème, ils se retrouvent souvent démunis face à des médecins qui ne leur proposent que des pis-aller. J’ai moi-même eu à faire face à ce problème…

L’insouciance de la jeunesse
Je suis parti m’installer au Japon à l’âge de vingt-quatre ans. Plein d’illusions et de testostérone, j’ai fait subir à mon corps la plupart des erreurs qu’un adepte peut commettre. M’appuyant sur mes capacités athlétiques, j’ai pratiqué en Aïkido, Karaté et MMA à un niveau et une intensité largement supérieurs à mes capacités techniques. Les premières douleurs au dos arrivant, j’ai commencé la musculation, sans aucune connaissance, et surtout avec la certitude qu’une activité aussi simple ne nécessitait aucun apprentissage. Les trois années suivantes j’ai accumulé les blessures, tant dans la pratique martiale qu’à la salle de gym, jusqu’au jour où, à la suite d’un combat libre, je me suis retrouvé incapable de marcher.

Erreurs de diagnostic
J’ai alors consulté des médecins, fait des radios, et on m’a indiqué que je ne souffrais que de contractures musculaires. ??!!?! Surpris, j’ai subi un traitement à base de piqûres de décontractant. Un produit douloureux à l’injection qui n’améliorait absolument pas mon état. Après avoir consulté deux autres médecins, le dernier, un spécialiste, me regarda, surpris, et m’annonça que je souffrais d’une hernie discale. Oui, ses deux confrères et le radiologue n’avaient rien vu. Une IRM allait confirmer, sans aucun doute possible, son diagnostic. Verdict? Opération.

“J’ai opéré David Douillet d’une hernie discale, et beaucoup d’autres judokas. On imagine qu’ils ne pourraient même pas marcher mais ils pratiquent sans problèmes.” ??!!?! Souffrir d’une hernie discale avant d’avoir trente ans m’avait déjà mis le moral en berne. Mais imaginer me faire opérer était hors de question à mes yeux. J’avais bien entendu les explications mécaniques qu’il m’avait données avec précision, mais j’étais persuadé en mon for intérieur que je serai capable de me soigner sans cela.

Une approche holistique
De retour au Japon, je décidais de prendre la situation à bras-le-corps. Je décidai de :
- trouver un moyen de me soulager,
- recouvrer ma mobilité,
- comprendre la cause du mal,
- m’atteler à ma rééducation.

Je me suis tourné vers des médecines que l’on appelle alternatives, traditionnelles, même si je n’aime pas beaucoup ces termes qui dévalorisent insidieusement les pratiques qu’ils désignent. Je suis donc allé consulter des praticiens de sekkotsu, seïtaï et kiko, dont l’action conjointe m’a permis de me rétablir.

Kiko 気功
Le kiko est l’équivalent japonais du chi kung chinois, et certains de ses adeptes sont réputés pour leur capacité à soigner. Un de mes amis me donna les coordonnées de l’un d’entre eux. Celui-ci, surchargé de demandes, n’acceptait plus de nouveaux patients. L’introduction de mon ami permit toutefois une exception salvatrice.
Lorsque le professeur me vit, il me dit “Vous souffrez d’une hernie discale au niveau…”. J’étais stupéfait. Je me tenais droit, il n’avait pu m’observer qu’un instant, et il n’avait pas eu besoin de la moindre radio. Il me fit allonger sur le ventre et, en quelques instants je sentis une chaleur intense au niveau de ma douleur. Je tournais la tête pour voir quel objet il utilisait pour me toucher, pour découvrir avec stupéfaction que, non seulement il n’utilisait aucun objet, mais son pouce qui était dirigée vers la zone était éloigné d’une bonne quinzaine de centimètres !
Le traitement par le kiko me permit d’avoir un soulagement instantané, même s’il était loin d’être total. Je pouvais passer à la suite des opérations.

Sekkotsu 整骨
Cette méthode qui signifie littéralement “replacement des os”, a été développée en parallèle au Judo. Le praticien de sekkotsu qui m’avait été conseillé était un géant, spécialisé comme ses confrères dans les douleurs de dos des pratiquants d’arts martiaux et travailleurs manuels. Il me fit allonger et prit… un marteau et une petite pièce de bois ! Grâce à des tapotements aussi légers et inattendus qu’efficaces, il me permit de recouvrer énormément de mobilité. Je pouvais maintenant envisager de travailler sur les causes de ma hernie discale.

Seïta ï整体
C’est grâce à un ami pratiquant de seïtaï, la méthode du “corps ordonné”, que je devais comprendre les origines de mes soucis. Ancien adepte d’arts martiaux, il m’examina puis me dit “Tu mets trop de force dans tes bras lorsque tu pratiques, particulièrement le droit.”. Il m’expliqua les conséquences en cascade, et le processus qui avait amené la hernie discale. Etonnamment, six mois plus tôt lors d’un de mes passages en France, un de mes enseignants d’Aïkido m’avait dit en me regardant faire des suburis “Tu mets trop de force dans les bras, en particulier dans le droit.”.
Le praticien de seïtaï termina en me donnant quelques exercices, plutôt douloureux mais très utiles, afin de regagner de la mobilité lorsque les tensions reviendraient.

Le corps n’est pas une machine
J’ai le plus grand respect pour la médecine moderne. Elle a la capacité de guérir des maux devant lesquels d’autres butent. Malheureusement un grand nombre de ses praticiens considèrent l’homme comme une machine. Lorsqu’une pièce est abîmée, ils essayent de la réparer, et si cela se révèle impossible, ils la retirent si cela est faisable. Mais nous sommes des organismes vivants, avec une capacité à nous guérir qui garde encore de nombreux mystères.  …


 


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"la douleur, langage du corps I"
AJ n°4 FR "la douleur, langage du corps II"


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