TRADITIONS JAPONAISES :

La passion du costume !


Olivier Gaurin – Tokyo

Plus encore que la ceinture noire, le port du hakama, ce grand moment d’inconnu pour un débutant en aïkido, est une étape importante de la pratique. En premier ressort, l’habit fait toujours le moine (par la suite, c’est un autre problème).

Depuis des temps immémoriaux au Japon, la passion du costume ou du colifichet fait rage. Du pauvre Samouraï qui va se faire seppuku à l’officier affecté à l’achat des légumes pour le département de la cuisine centrale du château X ou Y, le costume spécifique ou l’accessoire qui montre une fonction particulière (une responsabilité en fait) fut toujours une règle d’or dans ce pays. Car l’habit, le costume, la parure, la panoplie, le déguisement (Cosplay aujourd’hui), signent tous et toujours une appartenance à quelque chose qu’on « doit » faire, ou une volonté de s’installer en public comme « le représentant officiel de ceci ou cela » (image => identification => identité). Le costume montre donc une intégration à un groupe donné, au même titre souvent qu’une prise de pouvoir (ou la personnalisation d’un pouvoir, fût-il un pouvoir de plaisir, de fonction, de force, etc.).
Le hakama en cela sépare le groupe des « débutants en aïkido » du groupe des aïkidoka. Chose étonnante, il permet à celui qui le porte de se fondre soudain dans l’indéfinissable valeur des porteurs de dan (yudansha en japonais). Il se décroche ainsi d’emblée du peloton des « ceintures blanches » pour enfin devenir représentatif d’un savoir.

Étrange, oui, c’est très étrange, ce pouvoir du costume. Donnez un uniforme quelconque à quelqu’un, et il ou elle se sent d’emblée comme porteur(se) d’une responsabilité. Il ou elle se sent soudain investi(e) d’un rôle de la première importance, au-delà même de ses propres valeurs. Il ou elle se sent autorisé(e) à l’exercice autocratique du pouvoir associé à ce rôle, à ce costume. On le voit bien : son attitude corporelle change, sa voix change, son langage change. Son regard porté sur autrui change de même, et son apparente « dignité » change pareillement.
Le hakama est la pièce maîtresse de l’uniforme de l’aïkidoka. Et bien sûr je pourrais vous parler ici de ces sept plis du hakama, panel des vertus théoriques du samouraï :
–     jin (仁) : la bienveillance ; la considé-            ration ;
–    gi (義) : l’honneur et la justice ;
–    rei (礼) : l’étiquette ;
–   chi (知) : la sagesse et le savoir ;
–     shin ou makoto (真) : la sincérité ;
–     chù (忠) : la loyauté et la fidélité ;
–     meiyo (名誉) : la réputation ;
–    yù (勇) : le courage ;
–     et enfin kō (孝) : le respect des
        anciens ; etc.

Pardon ? Comment ? « Mais ça fait au moins neuf plis ? » – Veux pas le savoir, on dira sept. Je pourrais aussi vous parler de ce dosseret qui redresse les lombaires (faut le vouloir quand même), de cette forme de jupe qui cache si bien les déplacements de pieds, ou du port du ventre : du hara (et c’est vrai que pour ça, le hakama lacé c’est mieux que des bretelles !), etc. Mais il y a dans le port du hakama bien plus que cela : il y a, a priori, comme pour l’uniforme du policier, la blouse du pharmacien, ou le bleu du mécanicien, le port d’un savoir, et également le rôle d’une « figuration » ; et ici il s’agit de la figure de proue, un peu floutée en nos temps de confusions mentales, d’un anachronique samouraï japonais, passablement « idéalisé », et qui sait des choses que le commun a oubliées ou ignore.

Au Japon, cette tradition de l’uniforme et des costumes est encore très présente : chaque rôle social est tenu par l’image symbolique d’un « uniforme » spécifique. Ainsi, en voyant quelqu’un au Japon, dans le métro, arrivant à une réunion, lors d’un dîner, etc., on sait presque toujours par sa « panoplie » ou son « déguisement ut


 


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