Entretien avec Jean Paul Avy de Manosque

" (...) je savais que la violence n'est pas qu'une menace


Jean-Paul Avy à Château Arnoux 2003

Vous tenez donc à nous parler de fédération….

Oui, je sais bien cela parait lourd. Les gens n'ont pas envie de s'ennuyer avec ce qui paraît administratif. Mais pour moi c'est comme un devoir de s'occuper de l'organisation de la maison où l'on apprend, l'on étudie, l'on pratique l'aïkido.

Pour moi demeurer dans la fidélité à un enseignement reçu c'est bien sûr travailler avec l'œil neuf capable de redécouvrir tous les jours la discipline, mais aussi ne pas fuir les obligations, les nécessités qu'impose l'organisation de l'enseignement.

Je n'aime pas les structures où il y a d'un côté les «administratifs», de l'autre les «techniciens».Dans les domaines sportifs cette division des responsabilités correspond au passage des générations. Mais en aïkido il faut chercher l'équilibre entre une transmission traditionnelle et une structure occidentale.


N'est ce pas un peu trop général ?

Mais non! La commission technique paritaire a fait apparaître que d'autres techniciens aussi ont des idées pour construire, pour rechercher ensemble des modalités d'organisation.


Où en sommes nous de l'union en ce début 2005 ?

Le Ministère vient de prendre la décision de donner l'agrément à la FFAB mais aussi à la F.F.A.A.A et peut être à l'U.F.A.
Je pense que c'est une bonne décision, chaque fédération peut conserver son identité. Les missions de service public imposent un travail commun au niveau de la formation des professeurs qui sont dans les jurys, des BE et BF. C'est cela le travail de l'U.F.A. Les fédérations ainsi voient leur identité reconnue: c'est l'exercice de la liberté associative. Chaque citoyen peut déposer librement des perspectives offertes par la loi. De même les fonds du F.N.D.S, à partir du moment où nous payons des impôts, on ne voit pas pourquoi ils seraient réservés à certains. Il y a en effet une grande difficulté au niveau du budget.

L'état nous avait soutenu pour mettre en place des jurys d'examen rétribués, des formations BF. Les 2 fédérations ont joué le jeu au travers d'un comité de pilotage et mis en place les stages. Le Ministère vient de nous annoncer que les subventions promises ne seront pas au rendez - vous. Il y a donc une nouvelle situation très difficile.


Revenons à la pratique de l'aïkido, à ton itinéraire. Tu te souviens de tes débuts ?

Oui, très précisément. J'avais pratiqué du judo jusqu'au shodan et je cherchais une discipline qui ouvre d'autres horizons. J'étais dans une recherche de sens. Je ne cherchais pas un sport. Mais le judo que nous pratiquions était fondé sur une posture très déliée avec au niveau de la colonne vertébrale, un dos droit. C'était un travail pour trouver les déséquilibres, pour faire jaillir des instants magiques où le corps perd ses appuis. J'ai donc conservé de cette période lointaine quelques très bons souvenirs. Projeter son partenaire ou se faire projeter, lorsqu'il n'y a pas de force physique, crée dans le corps et le mental des émotions très stimulantes.


Pourquoi n'avoir pas poursuivi le judo ?

C'est parce qu'à cette époque on voyait l'opposition radicale entre 2 conceptions du judo. La conception du collège des ceintures noires, centrée sur les valeurs traditionnelles et les conceptions sportives. Le judo sportif était en train de s'imposer.

Beaucoup de choses changeaient à cette époque, j'ai eu la chance de rencontrer Marc Bassis, élève de Maître Harada : qui transformait dans ses cours la vision que nous avions du karaté. Leur travail très bas, leur décontraction, la puissance des directions de frappe : tout cela renouvelait la discipline.


Tu rencontres alors l'aïkido ?

C'était une période de renouvellement, de découverte, chacun cherchait sa route, et il y a eu la rencontre avec Maître Tamura. Mais je connaissais l'aïkido par M. Castillon qui, à Avignon organisait des stages avec Maître Noro, Maître Nakazano aussi.

J'étais un jeune étudiant et mes recherches avaient aussi un aspect moral et spirituel. C'était l'époque où Lanzo del Vasto sillonnait la France pour présenter l'enseignement de Gandhi. Un professeur de linguistique célèbre donne des cours sur la respiration.

Des membres de la communauté de l'Arche donnaient vie à cette recherche non violente.

Pour avoir ressenti cette violence en moi, je savais que la violence n'est pas qu'une menace du monde extérieur mais qu'elle est un trouble qui vient perturber l'équilibre intérieur. L'aïkido paraissait la discipline par excellence. La martialité de la recherche, la rigueur de la pratique, la présence des armes s'équilibraient avec un enseignement philosophique : on découvrait aussi la méditation avec Zazen, Maître Deshimaru présentait les exercices de Zazen. L'univers de l'aïkido s'adressait à des gens qui étaient en quête de sens.

Et puis surtout la rencontre avec des Maîtres capables sans discours, d'incarner leur discipline, d'imposer leur charisme.

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