Martine : Le cours d’hier soir était un peu spécial, quand même ?
C’était un peu spécial parce que c’est la France, parce que c’est Paris. Mais je passe mon temps à donner des cours dans des dojos de toutes tendances, de tous bords…
J’ai trouvé la soirée très agréable, les gens très ouverts. J’étais content qu’ils m’invitent parce que cela signifie que la visibilité de l’aïkido Kobayashi s’améliore. Cela veut dire que nous sommesmoins considérés comme bizarres.
Vous êtes moins ostracisés...
Voilà. Beaucoup de gens m’ont dit : «on a fait des stages avec maitre Kobayashi autrefois, c’était merveilleux l’ambiance qu’il y avait, alors, qu’on ne retrouve plus aujourd’hui, et qu’on retrouve ce soir … »
J’ai entendu des propos de ce genre et cela m’a fait plaisir que des gens qui ont rencontré Kobayashi sensei autrefois se souviennent de lui et en parlent comme d’une expérience extraordinaire. Je partage complètement cet avis. Mais quand ils me disent qu’ils retrouvaient cela hier soir, je suis heureux, et je me dis que c’est utile de le faire.
Pouvez-vous nous redire ce dont vous avez parlé pendant le cours, ce que vous avez dit de l’aikido Kobayashi : entre kokyu ho et atemi…
De toute manière, c’est le principe général de l’aïkido : on ne peut pas parler de compassion dans un contexte où il n’y a aucune violence possible, où on aurait, par décret, par déni, évacué toute violence implicite. La société, le monde dans lequel nous vivons est comme cela, il y a de la violence partout, et la bienveillance est efficace quand elle s’applique dans des situations où la violence est intégrée, comprise comme un des éléments, une des substances de notre vie. Dans notre aikido, il faut qu’il y ait d’un côté la réalité martiale, avec une recherche d’efficacité vraie, avec des attaques qui soient vraies, et que tout cela nous mette dans une situation où l’on est capable d’éprouver véritablement des sentiments de bienveillance à l’égard de l’attaquant. Répondre par l’aïki quand on est en difficulté, c’est plus difficile, mais c’est beaucoup plus intéressant que de répondre par l’aïki quand il n’y a rien en face, quand il n’y a pas d’attaque et qu’il n’y a que de la complaisance.
Je dirais qu’il n’y a pas d’aïki, à ce moment-là…
Je le pense aussi, mais cela ne semble pas si évident à tous. J’entends énormément de discours tels que : est-ce que l’aïkido est un art martial ou pas, est-ce que c’est un Budo ou pas…
Je ne suis absolument pas d’accord. Pour moi, l’aïkido est un budo, et on doit faire face à des situations martiales. Mais on n’y fait pas face de n’importe quelle manière. On y fait face par des moyens qu’on choisit, et qui sont d’abord éthiques.
L’éthique de l’aïkido s’exprime par le fait qu’au lieu d’exécuter une technique sur l’autre, on l’exécute sur soi. L’aïkido, ce n’est pas ce qu’on fait sur les autres, c’est ce qu’on fait sur soi. Si j’arrive à positionner mon bras en nikyo ura ou en kote gaeshi, je n’ai pas de difficulté pour me dégager d’une saisie. Si je reste en tension, j’ai des difficultés. L’aïkido se fait sur moi. Ce qui se produit entre nous, ce qui apparaît entre nous, c’est probablement l’aïkido au sens propre. L’aïkido, c’est deux, ensemble. Peu importe comment est l’attaquant, peu importe ce qu’il fait. Si en face, je suis capable, sur mon corps, de faire le mouvement aïki, l’aïkido apparaît entre nous. L’esprit d’harmonie est manifesté dans la relation.
Kobayashi sensei a toujours enseigné meguri, flexion des poignets, rotation, etc. J’ai entendu dire pendant des années, par des gens qui ne comprenaient rien à ce qu’il faisait : « Kobayashi sensei ne se déplace pas parce qu’il est costaud, parce qu’il a fait de la culture physique… ». Ce n’est absolument pas ça : on n’a pas besoin de se déplacer beaucoup à partir du moment où on fait un meguri qui fonctionne, c’est-à-dire un meguri qui s’exprime avant le contact. Le meguri crée un déséquilibre avant même que l’attaque soit effective, qu’elle soit pénétrante. Il met l’attaquant dans une position particulière, et donc ensuite il n’y a pas besoin d’un grand déplacement, il suffit d’un mouvement des hanches si les poignets restent souples.
Je sais que c’est compliqué à expliquer, et à comprendre, surtout pour les gens qui font de l’aïkido…
Il y a un autre mot que j’ai trouvé important hier, même si on le dit souvent, c’est la notion de liberté…
Je ne travaille que pour ça ! Si l’aïki ne rendait pas les gens libres, je n’en ferais pas, et surtout je ne l’enseignerais pas. Il n’y a que cela qui m’intéresse, c’est la seule chose qui importe.
Je vois des gens qui pratiquent, dont le corps peu à peu est marqué par la pratique : on voit les épaules qui descendent, les bassins qui s’ouvrent un peu, on voit les sacro-iliaques qui lâchent, on voit moins
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https://www.aikidojournal.eu/Edition _ francaise/2014