Philippe Gérard

Je ne voulais pas faire de compétition et je suis allé naturellement vers l’aïkido.


Philipe Gérard pendant notre entrevue à Nancy – janvier 2015.

… Je pratique l’aïkido depuis 1978. J’ai commencé de pratiquer avec des élèves de Maître Tamura, en Lorraine. Après avoir pratiqué plusieurs années, j’ai changé d’enseignement, puisque, moi-même évoluant, celui que je recevais ne correspondaient plus complètement à mes demandes du moment. Je continue toujours et j’ai beaucoup de plaisir à pratiquer l’aïkido et à enseigner.

Pour quelles raisons as-tu commencé l’aïkido ? Est-ce que tu pratiques autre chose ?

Non, pour la deuxième question. J’ai commencé l’aïkido parce qu’un de mes amis pratiquait un art martial et ce qu’il m’en disait était intéressant. Je ne voulais pas faire de compétition et je suis allé naturellement vers l’aïkido.
Quand je suis entré dans le gymnase, à l’époque j’étais déjà chauve et je portais une perruque. Ce qui est amusant, c’est que j’ai enlevé naturellement ma perruque pour pratiquer l’aïkido, alors que je ne l’enlevais jamais, auparavant. J’allais même à la piscine en scotchant ma perruque parce que je ne voulais pas montrer que j’étais chauve. En analysant mes motivations, maintenant, je m’aperçois que j’étais attiré naturellement par l’aïkido. J’ai tout de suite pratiqué quatre fois par semaine, sans me poser de questions, toujours en soirée. C’était ma dernière activité de la journée ; je rentrais ensuite chez moi, je lisais, et je me couchais. Je pratique d’ailleurs toujours en soirée, de 20h30 à 22h30, depuis plus de trente ans. Je donne mes cours deux fois par semaine.

Est-ce suffisant, des cours deux fois par semaine ?

Non, je pense que ce n’est pas suffisant. Toutefois l’aïkido ne se résume pas à la pratique sur le tatami. C’est aussi une façon d’être, un comportement. Si on ne le pratiquait que sur le tatami, on se couperait peut-être de la vie de tous les jours, de sa famille, de ses amis, d’autres envies que l’on peut avoir, un peu de culture, etc. Il est certain que ce n’est pas suffisant, mais c’est le mode de vie – je ne vais pas dire à l’occidentale par rapport aux Orientaux, parce que je ne connais pas – mais c’est notre façon de vivre. En tout état de cause, je ne pourrais pas m’en passer. Actuellement, le mardi et le vendredi sont mes deux jours à moi, pour ma recherche, pour ma pratique, et ma famille l’accepte, l’a toujours accepté. En outre, je fais des stages le week-end, au moins cinq ou six fois par an, avec le professeur que je suis actuellement, Gérard Blaize, dont je reçois l’enseignement. Il m’arrive aussi d’aller pratiquer quelques soirées, dans d’autres clubs, ou d’organiser des interclubs… J’essaye donc de faire un peu plus que deux fois par semaine.
Je vais bientôt être en retraite – je pourrai faire valoir mes droits à la retraite dans cinq ans – et cela va peut-être me laisser du temps libre pour la pratique. J’ai naturellement, cette année, ouvert une section enfants, à partir de janvier. C’est peut-être une préparation à une pratique plus régulière ou plus soutenue, une façon de préparer mes « vieux jours » à travers l’aïkido. J’ai beaucoup de plaisir à pratiquer, à ressentir, et à transmettre. Aujourd’hui j’ai envie de transmettre ce que je crois avoir perçu et, de plus, cette transmission m’aide  à comprendre la discipline et à mettre en regard avec les lectures  qui touchent à l’aïkido, à la philosophie orientale. La pratique alimente mon corps et mon esprit et la lecture alimente ma tête.
Si je devais résumer, je dirais que pour moi, l’aïkido peut être assimilé à une psychanalyse dont l’outil n’est pas le verbe mais la gestuelle corporelle. En effet,  lorsque l’on va chez un thérapeute, psychanalyste ou psychologue, le langage est le moyen d’avancer au cours de la séance.  Il y a donc l’outil occidental, basé sur la parole, et il y a un outil, peut-être, oriental, basé sur les techniques corporelles, dont l’aïkido peut faire partie.

Te rappelles-tu ton premier professeur ?

Mon premier professeur était Michel Vannier. En 1978, quand j’ai commencé l’aïkido, en Lorraine, c’était l’école de Tamura sensei dont Michel Vannier était un élève. En même temps, à cette époque où je suivais quatre cours par semaine, je suis allé au cours de René Trognon, qui actuellement est 7ème dan de la FFAB. Je suis aussi allé aux stages de Tamura sensei quand il venait dans la région, aux stages des élèves les plus proches de Tamura, qui étaient des techniciens de haut niveau de la Fédération. Une petite dizaine d’années après mes débuts avec Michel Vannier, on m’a demandé d’ouvrir un dojo dans ma commune et j’ai pris la responsabilité du cours. Parallèlement j’ai commencé à chercher, à regarder ce qui se faisait à côté, dans l’aïkido, et j’ai suivi l’enseignement d’Alain Peyrache, qui était à l’époque responsable technique national au sein de la FFAB. J’ai fidélisé ma pratique avec lui en faisant beaucoup de stages avec lui, le week-end ou l’été, et je l’ai suivi pendant dix ans. J’étais un de ses élèves les plus avancés et je l’ai quitté quand il a commencé à parler de la création de son groupe, EPA – Europe Promotion Aïkido.
J’étais mal à l’aise avec cette volonté de créer ce nouveau groupe. J’avais l’impression que c’était un groupe contre la Fédération. Sans être fédéraliste convaincu, je pense que l’on est obligé d’avoir des outils liés au système administratif français et je sentais beaucoup de violence dans les propos d’Alain Peyrache vis-à-vis des cadres fédéraux. Je sentais une volonté d’en découdre avec un système fédéral, à tort ou à raison. J’ai donc pris du recul. De plus, je me posais beaucoup de questions sur ma pratique d’aïkido parce que j’avais l’impression de ne plus progresser. J’ai donc commercé à chercher, à aller voir d’autres experts, de la FFAAA ou d’autres groupes, et je suis allé à un stage de Gérard Blaize, qui passait dans la région.

C’était dans les années 90 ?

C’est exact, au début des années 90. Gérard Blaize était revenu du Japon depuis quelques années, il structurait un groupe, et j’ai trouvé ce qu’il faisait intéressant. Il était dans la FFAB à l’époque

Comme le groupe de maitre Nocquet…

Oui, exactement, il avait sa pyramide, et il y avait un club en Lorraine qui suivait son enseignement et qui l’invitait. Je suis donc allé voir. J’ai toujours été assez curieux et intéressé par les pratiques des autres experts. Je suis donc allée voir Gérard Blaize et j’ai une anecdote assez personnelle à ce sujet. A l’époque, j’avais des kystes, des nœuds énergétiques au niveau des poignets, depuis deux ou trois ans. Tous mes amis, dans mon milieu professionnel, me conseillaient de me faire opérer, mais je ne l’avais pas fait. Je suis donc allé au stage de Gérard Blaize, et il m’a pris comme uke sur plusieurs techniques pendant ce week-end. Le dimanche soir, après être rentré chez moi, j’ai passé ma main sur mon poignet et j’ai constaté que je n’avais plus de kystes. Cela m’a énormément interpellé, j’ai cherché ce qui avait pu les faire disparaître et cela  pouvait être vraisemblablement  la pratique de ce week-end. De plus, j’avais trouvé une pratique douce, apaisante, dirais-je, où les tensions étaient supprimées, où il  n’y avait pas systématiquement un rapport de force et de technique. Il y avait du contenu.
Ayant vu ce qu’enseignait Gérard Blaize, j’ai eu envie d’aller voir son professeur, qui était maître Hikitsuchi. Je suis donc allé à Paris, où il venait depuis quelques années à l’Ascension et à la Pentecôte, pour suivre son stage. Lorsque je suis entré dans le gymnase où il enseignait, je me suis dit : « c’est cela, l’aïkido que j’ai envie de faire ». J’ai donc décidé de changer d’école, l’année qui a suivi.

vous ne sentiez pas la même chose avec maître Tamura ?
Non. Quand j’ai vu et pratiqué avec Hikitsuchi, j’ai ressenti l’aïkido que j’appréhendais à travers mes lectures de l’époque. Et par ailleurs j’avais l’impression qu’il y avait une unité dans le dojo. Tout le monde pratiquait ou cherchait dans la direction proposée par Hikitsuchi. A cette période, quand j’allais à un stage de Tamura, j’avais l’impression que les gens, certes, regardaient ce que faisait Tamura, mais ensuite essayaient de reproduire ce qu’ils savaient. Ils ne cherchaient pas dans la direction proposée par Tamura sensei. Cela a toujours été une de mes interrogations. Est-ce l’effet du nombre ?


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