Tanguy Le-Vour'ch

Mon frère aussi pratiquait beaucoup avec mon père et maître Tamura …


Pendant qu'un stage à Lyon – 2014

AJ :Pourquoi ce stage, ici à Lyon ?

Avec Léo Tamaki, Farouk, Issei et Julien, cela fait deux ou trois ans maintenant que nous faisons des stages d’échanges de pratique. Cette semaine, je vais à Lyon, et la semaine prochaine Farouk vient à Brest. Cela permet aux élèves des différents lieux de découvrir d’autres pratiques, d’autres façons de faire, de bouger, d’autres façons de voir et d’expliquer…

AJ :… depuis quand pratiquez-vous l’aïkido ?

Depuis mes 16 ans. J’ai commencé un peu quand j’étais plus jeune, et j’ai repris avec l’enseignement de mon père à l’âge de 16 ans. Lui était élève de maître Tamura depuis très longtemps, et j’ai appris avec lui pendant pas mal d’années tout en suivant maître Tamura en parallèle. Nous avons essayé de nous déplacer au maximum dans les stages de maître Tamura avec les élèves du dojo et avec mon père. Mon frère aussi pratiquait beaucoup avec mon père et maître Tamura, mais il a arrêté maintenant … c’est une histoire de famille !

AJ :… vous avez quel âge ?

… j’ai 29 ans, et mon frère a quatre ans de plus que moi. Il a commencé plus jeune que moi, et il avait un excellent niveau. Je regrette parfois qu’il ait arrêté, j’aurais bien aimé qu’il continue avec moi, mais il a pris d’autres directions, mais… peut-être un jour reviendra-t-il à l’aïkido (rire).



AJ : Pour quelle raison a-t-il arrêté ?

Différentes raisons. Je pense qu’il a senti des limites dans sa recherche. Il cherchait autre chose, et il a eu certaines déceptions. Parfois les comportements aussi des aïkidokas … il ne voyait plus où cela menait. Ce qu’il entendait de Maître Ueshiba ou des élèves du fondateur, quand il voyait maître Tamura, cela l’inspirait beaucoup, mais le comportement sur les tapis … il trouvait qu’il y avait un décalage entre ce qui était écrit et ce qui était vécu. Et il s’est dit qu’il fallait peut-être chercher des réponses ailleurs… je ne veux pas trop parler pour lui, mais il y a cela parmi les raisons qui l’ont motivé  pour changer.

AJ : Je suis un peu étonné de ce que m’a raconté Farouk. Cela ne vous pose pas de problème pour travailler ensemble, avec la Fédération ?

Je ne fais plus partie de la Fédération depuis cette année. Je me suis rendu compte que je travaillais beaucoup avec d’autres personnes qui n’en faisaient pas partie, et surtout avec les maîtres que faisait venir Léo Tamaki, et de ce fait je ne voyais plus le sens d’y rester. Je ne suivais plus leurs stages, je ne travaillais plus avec eux, je me disais que c’était ridicule de continuer à donner des cotisations à quelque chose à quoi je ne participais pas. J’ai eu quelques reproches à ce niveau-là, notamment concernant la fidélité à maître Tamura. Mais je pense que si maître Tamura avait vraiment voulu que cette fédération perdure, il aurait donné des instructions claires dans ce sens. Or il ne l’a pas fait, et à mon sens, son souhait était davantage de poursuivre l’étude et de continuer à travailler. Et je pense que j’avais des cadres plus favorables que la Fédération pour continuer à travailler, étudier et comprendre son travail. Donc j’ai décidé de continuer à travailler avec Léo Tamaki, surtout et les maîtres qu’il fait venir.
Léo a créé cette année le Kishinkaï, un groupement d’enseignants, et c’est une nouvelle aventure qui commence aussi. Il y a une saine émulation dans le groupe ; ce sont tous des gens qui sont vraiment en recherche, qui travaillent avec maître Kuroda dans d’autre bujutsu, avec maître Hino, maître Kono… et qui continuent à s’entraîner avec beaucoup de sincérité. Quand on m’a parlé de ce projet, j’ai adhéré tout de suite ; je pense que je peux m’épanouir dans la recherche.

AJ : Oui, c’est une chose qui manque en aïkido, non ? J’ai vu les maîtres Kono et Hino, et ce qu’ils font sont des choses qu’il n’y a pas en aïkido. Tamura le faisait, un peu, …


oui…

AJ :… mais il n’expliquait pas…

non…

AJ : … c’est le problème …

Parfois maître Tamura disait que si on ne voit pas, ce n’est pas la peine d’expliquer (rire).
Le problème, c’est que je pense qu’il est possible quand même d’éduquer le regard, mais …. Il y avait beaucoup de monde et je pense que sa situation n’était pas facile avec un nombre d’élèves aussi important. Il a fait ce choix-là, d’enseignement, et il se situait souvent comme un chercheur, quand il parlait de lui. Il disait : « moi je suis en recherche, l’objectif, c’est d’atteindre le niveau d’Ueshiba ». Il avait dit cela lors d’un de ses derniers stages de haut niveau, auquel mon père avait participé, et que cela avait beaucoup touché. Parce que maître Tamura avait dit qu’il se rendait compte maintenant – à ce moment on ne savait pas qu’il avait le cancer – qu’il n’était pas arrivé au niveau d’Ueshiba, et qu’il fallait maintenant se poser la question de la transmission. Et il posait la même question aux CEN en leur disant qu’eux non plus n’étaient plus tout jeunes et qu’ils devaient peut-être aussi se poser cette question. Je trouve qu’une des choses qui est dommage, c’est qu’il y a eu très peu de personnes, au sein de la Fédération, qui ont vraiment cherché à transmettre et à faire monter une nouvelle génération de pratiquants, à développer l’aïkido pour les jeunes. Il y a eu une sorte de chape sur les nouvelles générations et c’est vraiment dommage. Mon père avait beaucoup fait pour que les jeunes soient plus mis en avant, encouragés dans leurs études et leurs recherches, mais cela n’a pas été fait, et de ce fait c’est un peu problématique.
Pour ce qui est de maîtres Hino, Kono et Kuroda, je pense que maître Tamura avait intégré des principes extrêmement fins, et par l’image qu’il en donnait, peut-être que nous aurions pu comprendre. Je sais que je n’avais pas à ce moment-là, sans doute, l’ouverture nécessaire pour voir ce qui était caché. Mais l’éclairage nouveau de maitre Hino, de maître Kono, maitre Kuroda, ou maître Akuzawa, aussi, donnent vraiment du sens et des pistes …


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