Dominique Pierre - 2ème partie

Président de fédération européenne de Iaido – FEI


… pendant l'entrevue 2012

Avez-vous avez travaillé avec Nishio ?

Non, je ne l’ai pas connu. Aujourd’hui avec Yamada c’est encore une autre approche : Yamada est complètement occidentalisé.
Quand on le voit dans les stages, ce n’est jamais en petit comité, sauf si on va dans son dojo aux Etats-Unis. Mais si c’est un stage d’été, un stage de masse, lui est là, il donne son stage. « Vous pratiquez comme vous faites d’habitude ? Tant pis pour vous. Mais essayez de faire ce que je vous demande ». C’est son approche. Par contre c’est de l’aïkido fondamental aussi, pas de problème.
A l’époque où nous avons travaillé avec l’autre fédération et où nous n’avons pas abouti, nous avions un profond respect des valeurs qui étaient développées dans l’autre fédération, de même que ceux qui ont travaillé avec nous avaient un profond respect des valeurs que nous développions. Mais 80 % de nos groupes respectifs nous ont tiré dessus et nous avons tous été virés de nos postes, tout simplement remerciés : Stéphane, Tiki, VDB, Jean-Marc Chamot, Jaff Raji, et puis d’autres encore. Nous avons tous été remerciés de notre « incompétence », pour ne pas avoir réussi à détruire l’autre fédération.

Nous avions donné une dimension supérieure à ce problème, pour finalement vivre dans le même espace en nous respectant et en nous comprenant les uns et les autres. Nous avions une démarche trop supérieure à mon avis… [rires]. Ceux qui ne nous aimaient pas politiquement à l’époque, 20 ans après, nous disent « vous aviez peut-être raison ». Il leur a fallu deux générations pour admettre que nous avions peut-être raison à cette époque ; on aurait dû faire comme cela, mais aujourd’hui c’est trop tard, les choses sont passées et aujourd’hui nous sommes dans le même affrontement des deux fédérations, avec des gens qui ont maintenant 75 ans.
Notre maître est mort, pour quelle raison nous battre ? Pour le souvenir du maître ? J’ai du mal : quand on est fidèle à l’homme, on est fidèle à son travail. Le souvenir de son travail, je l’ai et bien d’autres l’ont, et maintenant je dirais « suivez-moi parce que j’ai le souvenir du maître ? ». Lorsque Murakami est mort, j’ai vu ce que cela donnait avec tous ses assistants : ils sont tous partis en disant « nous avons la science divine » et 15 ans après, ils se sont tellement entre-déchirés que tous les groupes se sont dissous.

Ça ne marche pas : quand le maître est mort, c’est fini. Que l’on existe par son propre travail, j’en suis convaincu, mais dans le souvenir du maître… il faut arrêter. Il y a un héritage technique mais il est ce que nous sommes capables d’en faire. Après, c’est notre propre travail qui s’enrichit de tout ce que nous faisons un peu partout, sinon cela ne serait que du mimétisme et ce n’est pas un progrès. Le progrès c’est de pouvoir transcender, justement, ce travail et l’amener à autre chose. Parfois cela échoue, parfois cela réussit mais l’idée est là.

Alors, je dirais : qu’on le garde au fond de soi, dans notre référentiel. On ne doit pas l’oublier, j’en suis d’accord, mais cela me parait difficile d’emmener les foules sur une idée comme celle-là. Ensuite, c’est un combat d’arrière-garde : quand tout est fini, c’est pour l’honneur, mais l’honneur de quoi ? Parce que l’aikido n’existe qu’avec des gens vivants, L’aïkido et tout ce que nous faisons.

A cette période, j’avais aussi des responsabilités dans mon département, mais j’en avais assez des conflits politiques et j’ai arrêté. Cela me prenait trop d’énergie pour faire autre chose. Quand j’ai arrêté les activités en lien avec la politique, d’un seul coup j’ai connu un développement personnel, je me suis largement épanoui, avec des stages à l’étranger, des stages un peu partout en France, en Europe, en Russie, en Géorgie, dans le Caucase. Dès l’instant où l’on se détache des histoires politiques et que l’on développe sa propre pratique, son propre chemin, que le travail est de qualité et que l’on est sincère, les gens s’intéressent à ce que vous faites, c’est le principal. C’est vrai que nous sommes devenus tous amis, les uns et les autres, depuis 30-35 ans maintenant que nous nous connaissons. Nous avons tous eu des coups durs, nous avons tous connu des remous dans le monde de l’aïkido, tous eu aussi dans nos vies un ou deux divorces, cela fait partie du lot de ceux qui s’occupent beaucoup d’associatif. L’associatif est énergivore et on ne peut pas faire grand-chose d’autre. Il y a eu des moments où j’ai eu à faire des choix difficiles. Quand on a une ligne tracée dans l’existence, dans ces voies, c’est très difficile d’avoir quelqu’un qui vous comprenne. On est complétement dedans, on ne peut pas faire de demi-mesure, on ne pratique pas les arts martiaux à la carte, une heure par ci, une heure par là. C’est très difficile.


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