Takeji Tomita Senseï dans la deuxième entrevue - 2010.

Notre corps est comme une machine … mais avec notre « boîte noire »


T. Tomita Senseï pendant le cours à Montpellier 2009.

Pourquoi avez-vous commencé à pratiquer l’aïkido ?

Quand j’étais petit, quand j’étais un jeune garçon, comme beaucoup d’enfants japonais, je m’intéressais beaucoup aux samouraïs. Les samouraïs ont une forte prestance, ils sont toujours prêts à défendre la veuve et l’orphelin, ils sont adroits, toujours fiers. J’aimais beaucoup cette attitude. Je voulais devenir une vedette dans des films de samouraïs, une vedette qui ferait du jujitsu.

Plus tard, quand j’étais étudiant à l’université de Tokyo, un de mes camarades de classe voulait faire de l’aïkido et je l’ai accompagné. Nous étions au plus cinq étudiants. Je ne savais rien de l’aïkido, mais le père de mon camarade de classe pratiquait l’aïkido. Je ne sais pas si c’était un professeur ou pas. En tout cas, il a commencé, et je l’ai suivi. Nous nous sommes donc retrouvés à cinq.
Ah ! C’était très, très dur ! Ukemi ? Je ne savais rien des ukemis. Mais j’étais bon en gym, et au bout de trois mois, ça allait déjà beaucoup mieux. Mais au début, ça a été très difficile. Un an après, pendant les vacances d’été, notre club a pris contact avec l’Aïkikaï et on nous a dit qu’il y avait un stage d’une semaine dans le dojo d’Iwama, le dojo d’O Sensei, et nous avons décidé d’y aller.
Là, j’ai vu Saïto Sensei et O Sensei, marchant ensemble dans la rue. Ils étaient à une centaine de mètres. Mon intuition m’a fait sentir que l’attitude de Saïto Sensei était celle d’un maître du budo. O Sensei était le grand maître, mais pour moi il était quasiment inabordable.
Ensuite, je suis retourné à Iwama tout seul pour prendre contact avec Saïto Sensei. J’ai suivi l’enseignement de Saïto Sensei pendant plusieurs années. A l’époque, Saïto Sensei venait au dojo de l’Aïkikaï, dans le quartier de Shinjuku, tous les dimanches et dès fois je le raccompagnais à Iwama et j’y passais la nuit, et revenais à Tokyo.
Je n’ai pas recherché l’aïkido : je ne savais pas ce que c’était. Je m’intéressais aux samouraïs. Je pense que c’était mon karma, de rencontrer Saïto Sensei et de pouvoir étudier l’aïkido. Ensuite, j’ai continué avec Saïto Sensei. Je n’ai jamais pratiqué le judo, le karaté ou le kendo : rien que l’aïkido.

A cette époque, vous étiez soto deshi, n’est-ce pas ?

D’une certaine façon, à cette époque, il n’y avait pas de soto deshi et d’uchi deshi. Il y a avait des monjin, des deshi. Soto deshi, uchi deshi, je ne savais pas ce que c’était. Mais rappelez-vous, qu’après la Seconde Guerre mondiale, ce système, cette culture, avait disparu. Après la guerre, les Japonais n’étaient plus intéressés par la pratique du budo.

Quand vous êtes venu en Europe, en Suède, étiez-vous en contact avec Ichimura Sensei ?

Ichimura Sensei ? Oui, bien sûr. Je ne le connaissais pas personnellement. Il était installé en Suède, il avait épousé une Suédoise et avait déjà une famille. Un de ses élèves travaillait à l’Ambassade du Japon… Un club de judo suédois cherchait un professeur japonais d’aïkido, parce que la pratique de l’aïkido devenait populaire en Suède et ils ont envoyé une lettre à l’Ambassade du Japon. Ichimura Sensei était un élève de Nishio Sensei, et dans mon université nous avions comme maîtres Saïto Sensei et Nishio Sensei. C’est ainsi que cette lettre est parvenue dans mon université et que j’ai appris qu’on cherchait un étudiant pour aller en Suède. Mais je ne connaissais pas Ichimura Sensei.

Où vous êtes vous installé en Suède ?

A Stockholm. Au début, je croyais avoir un contrat avec ce dojo, mais il n’y en avait pas. Ils m’avaient promis de tout arranger pour que j’aie un permis de séjour et un permis de travail, mais en fait, il n’y avait rien. J’ai essayé d’obtenir un permis de travail par moi-même. J’ai attendu quatre mois, mais le service de l’immigration a décidé que je ne pouvais pas rester. C’était une période où il était difficile [pour les étrangers] de venir en Suède. Mais j’étais en contact avec des étudiants de l’Université de Stockholm et plusieurs étudiants sont allés à la Préfecture de Police pour expliquer qu’ils avaient besoin de ce professeur japonais. C’est sur cette recommandation que j’ai obtenu un permis de travail. C’était en 1969.

Vous avez votre propre dojo ?

Oui, maintenant j’ai un dojo dans lequel je me suis installé en 1975, le 1er juillet. J’étais très content d’avoir mon propre dojo. Parce que dans la tradition du budo japonais, un sensei doit avoir son propre dojo et non aller enseigner dans d’autres dojos. C’est très important d’avoir sa propre école. Cela fait maintenant 34 ans que je suis dans le même dojo… Oui, cela fait longtemps.

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