René Trognon 2 partie

Une entrevue de Philippe Gérard et Horst Schwickerath avec René Trognon


René Trognon pendant notre entrevue … 13/03/2016

Vous n’aimez pas la relation à vous-même qu’il y a dans le iaïdo ?

RT : Je n’ai pas accroché, mais c’est aussi très précis, très répétitif. Je sais qu’il y a une relation, comme dans le tai-chi, avec un uke virtuel, mais je ne sentais pas trop cette relation. On ne peut pas tout aimer !

Les cours de iaïdo avaient lieu, je crois, à cinq heures du matin à la Colle sur Loup. Peut-être que si le cours avait eu lieu à 11 heures, ou à 14 heures, j’y serais allé et, progressant, j’y aurais pris plaisir. Les progrès sont lents en iaïdo. Pour arriver à une forme de perfection, c’est difficile. Quand je voyais Tiki faire un mouvement en iaïdo, c’était d’une pureté et d’une simplicité … mais avant d’arriver à cela ! Il vaut mieux que je me consacre à autre chose et je me sens bien en aïkido. L’aspect relationnel, de toute façon, est fondamental pour moi. Ce qui m’intéresse n’est pas tellement d’amener des élèves à un niveau absolu de pureté, de classe. Certains enseignants ne gardent que les très bons élèves et essayent d’aller de plus en plus loin avec eux. Ce que j’aime, pour ma part, ce sont les élèves impossibles, qui ne savent pas marcher, qui sont mal dans leur peau, qui sont « nuls », et j’en fais quelque chose.
J’ai un élève à qui il a fallu 10 ans pour faire ce que d’autres font en trois mois mais je suis plus heureux quand j’ai réalisé cela que quand j’ai un très bon élève. C’est pour cela que j’ai lancé l’aïkido senior, aussi. Je suis une espèce d’humaniste attardé mais je n’abandonne jamais un élève. J’ai une façon d’enseigner qui est l’écoute. Je vois ce qui manque à un élève. Je dis à un tel: « tu ne pourras jamais rien faire tant que tu n’auras pas le relâchement », et je lui fais faire des exercices de relâchement. Celui qui ne se déplace pas doit apprendre à se déplacer et je le félicite quand il y parvient. Je suis un vieux pédagogue, j’ai fait ma carrière dans l’Éducation nationale. Je ne suis pas du tout élitiste. J’ai aussi de très bons élèves mais je travaille autant pour le plus médiocre que pour le meilleur. Je trouve que l’aïkido est quelque chose d’important à apporter aux gens.

PG : Et tu penses que la pédagogie de l’enseignement est indispensable pour pratiquer l’aïkido ?

RT : il y a quand même un minimum de pédagogie. Certains disent que l’aïkido, c’est suer sur le tapis et c’est tout.

PG : Tamura n’avait aucune pédagogie, en dehors de la pédagogie de l’exemple.

RT : Non, Tamura avait quand même de la pédagogie. Tu l’as connu à certaines époques mais plus il a vieilli, plus il construisait ses cours, plus il expliquait. Peut-être a-t-il acquis la pédagogie au contact de l’Occident, parce que l’Occident cartésien est plus pédagogue que le Japon, mais on trouve la pédagogie partout. Tu ne peux pas apprendre certaines choses si tu n’en as pas appris d’autres avant, par exemple et c’est de la pédagogie d’avoir un planning qui prévoit qu’il y a des prérequis pour faire certaines choses. Certains clubs me demandent de venir et je regarde. Ils font faire quelque chose à un pratiquant mais ils ne lui ont pas fait faire ce qui est nécessaire pour y parvenir. Ils n’y arriveront jamais. La pédagogie, c’est avoir envie que l’élève y arrive et se demander ce qu’il faut faire


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