Le point de vue d'editions n° 34FR d'AJ.

Aïkido et musique


André Cognard à bourg Argental – 2011.

Cher André,
Dans tes romans  où tu mets en scène des personnages dont on ne peut s’empêcher de penser qu’ils égratignent quelque peu le «toute ressemblance… ne saurait être que fortuite», le disciple introduit le maître à l’appréciation de la gastronomie et des grands vins français d’une part, de la musique occidentale dite classique de l’autre.
Pourrais-tu raconter à nos lecteurs ce qu’il en a été «de ce côté-ci du miroir», et plus généralement quels rapports (harmoniques ?) tu vois entre la «grande» musique et l’aïkido ?
Pour mémoire, quelqu’un comme Stéphane Benedetti, qui a aussi connu Me Kobayashi, est aussi un grand amateur de musique classique, tout comme Henry, mon collaborateur...
Y a-t-il là plus qu’une coïncidence ?
Voila le thème que je te suggèrerais pour ton prochain papier.
Amicalement, Horst.



C’est une surprise et un réel plaisir d’avoir à répondre à cette demande. Je vais tout d’abord la diviser car elle comporte plusieurs volets. D’une part, l’allusion à mon roman « Le Maître » et au fait qu’il comporte des aspects biographiques concernant Kobayashi Sensei, certains pouvant être en rapport avec la grande musique pour reprendre l’expression utilisée par Horst. Kobayashi Sensei aurait-il été amateur de ladite musique ?  D’autre part, l’évocation de la « mélomanie » de Stéphane Benedetti et de Henry introduit une question plus vaste : existerait-il une relation, si possible intéressante, entre l’aïkido et la musique ? sachant qu’il est déjà implicitement acquis que je vais répondre positivement à la première interrogation. Le mot coïncidence laisse entendre que la liste Kobayashi Hirokazu, Benedetti Stéphane, à laquelle il convient d’ajouter votre humble serviteur largement suspecté d’avoir contracté la même manie, est suffisante pour faire de «l’aïkido et la musique» une problématique philosophique susceptible d’entrer dans les colonnes de cette illustre publication et du même coup d’intéresser le lecteur.  En voyant le grand écart que me demande Horst, j’opte, parce qu’il signe « amicalement », pour l’utilisation, immédiate et à l’envers, de la stratégie que j’applique toujours envers mes détracteurs : « La critique a toujours pour objet de vous dire, non pas ce dont vous n’êtes pas capables, mais ce dont vous êtes capables et que vous ignoriez encore. » Je dois donc étendre cette petite philosophie quotidienne à ceux qui me font une confiance excessive en me disant qu’eux aussi me montrent ce dont je ne suis pas encore capable, le rendant ainsi possible d’où, avant tout : « Merci Horst, pour ta confiance infinie ! »
Maître Kobayashi m’avait effectivement dit un jour qu’il aimerait entrer plus profondément dans notre culture. C’était un homme moderne, ouvert et très fortement attaché à la tradition japonaise. Mais son aïkido l’entrainait constamment sur les pentes de l’universel et il avait besoin d’unir en lui ces deux cultures que l’on avait si durement opposées à la fin de la guerre. Il voulait connaître et changer sans renoncer à ce qu’il aimait et qui contribuait largement à le définir. Pour illustrer le contexte je dois vous rapporter une conversation récente, lors d’un voyage dans le désert saharien, avec un de mes élèves japonais. Alors que j’employai une expression bien connue de nous autres, amateurs d’un Japon noble plein d’une esthétique dont la figure chevaleresque du samuraï est la principale architecture, « Yamato damashi » mon ami me confia avec une émotion à peine contenue : « La dernière fois que j’ai entendu cette expression, c’est mon père qui l’a prononcée voici quarante ans. » Je lui fis part de mon étonnement et il m’expliqua alors : «  Juste après la guerre, le Japon tout entier s’est conformé à cette idée que la culture ancienne avait conduit au désastre de la guerre et qu’il fallait faire table rase et repartir avec une culture nouvelle, celle de l’Occident, celle du vainqueur américain. Il était très mal vu de faire référence au Yamato damashi. »  Pour un homme qui avait été le disciple d’un meijijin, comme l’était Ueshiba Morihei, qui avait fondé sa vie sur l’enseignement de celui-ci, il était bien difficile de se plier à cette injonction.
Maitre Kobayashi a voulu sa vie durant concilier l’ancienne culture et la modernité, la traditi

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