Horst SchwickerathLa «petite» différence

Les conseillers en gestion sont de meilleurs psychologues.

La gestion, ou le management comme on dit aujourd'hui, est une science humaine. Une attitude «humaine» envers ses partenaires commerciaux ou ses subordonnés est payante, elle améliore les résultats, le chiffre d'affaire et le dévouement de ses collaborateurs. Une branche du conseil en gestion en pleine expansion s'occupe justement de cette tendance à introduire un plus d'humanité dans les bureaux des patrons.

Les représentants de cette branche n'ont rien à envier aux psychologues et autres chercheurs dans les domaines du comportement et de la communication. Et ce n'est pas seulement les gestionnaires qui peuvent en apprendre quelque chose, mais aussi le citoyen lambda.

Au delà de l'entente franco-allemande contre la guerre en Irak, les relations entre les deux nations ne vont pas toujours sans problème, et c'est ce dont traite le livre de deux conseillers en gestion, Hochen Peter Breuer et Pierre de Bartha, Deutsch-französische Geschäftsbeziehungen erfolgreich managen (Réussir dans la gestion des rapports commerciaux franco-allemands).

D'après les deux auteurs, si la communication franco-allemande ne va pas de soi, même en après que la barrière linguistique a été surmontée, cela provient de ce que l'on est en présence d'un cas typique de «conflit parents-enfants». Ils se basent sur les concepts de l'analyse transactionnelle qui pose que les individus pensent, réagissent et communiquent à trois niveaux, trois «états du moi», différents : le «moi enfant», le «moi adulte» et le «moi parent».

Ils constatent que la personnalité française est tendanciellement caractérisée par un état du moi «enfant» alors que la personnalité allemande est plutôt marquée par un état du moi «parent». Certes les trois niveaux coexistent chez chaque individu mais «les Allemands ne deviennent des enfants qu'après le travail».

La différence dans les structures psychologiques profondes respectives se reflète dans une grande différence des cultures du monde des affaires. Ainsi pour les Allemands, réussir c'est avoir accompli quelque chose d'utile et atteint une rentabilité raisonnable. Le Français a le sentiment d'avoir réussi quand il a réalisé quelque chose d'inédit et a fait un croc-en-jambe à ses concurrents. Ce qui plait au Français ce sont les idées un peu folles, c'est d'être imprévisible, d'être pris pour un génie. Par contre l'Allemand aime avoir des idées utiles, être considéré comme quelqu'un sur qui on peut compter et reconnu pour son sérieux et sa compétence.

Ceci expliquerait pourquoi il y a toujours des problèmes dans les relations d'affaire franco-allemandes. Parce que cela se passe comme dans une famille normale. Les Français (les enfants) en prennent à leur aise avec la ponctualité, parlent sans qu'on ne leur ait rien demandé, courent dans tous les sens et rigolent quand ils en ont envie. Les Allemands (les parents) exigent le silence en salle de réunion, se fâchent quand on fait des bêtises, grondent - et le contrat (la paix domestique) est par terre. Ce n'est pas beau à voir et en affaire cela coûte cher. Une journée de discussion à laquelle participent quatre cadres supérieurs revient en tout à quelques 14000 Euros.

Les auteurs concluent : «Ne traitez pas les Français comme des enfants». Pour les Français nous ajouterons : «Ne prenez pas les Allemands pour des bourreaux d'enfants».

Horst Schwickerath

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