Horst Schwickerath Les anglo-saxons appellent cela « serendipity » : la trouvaille non délibérée, l'idée qui vient à propos sans que l'on ne l'ai cherchée, le hasard heureux qui fait bien les choses. Et c'est ce qui apparemment a été à l'oeuvre dans ce numéro de notre publication. Par delà la diversité des articles et entrevues, quelques grands thèmes se dessinent, quelques noms reviennent.

Le thème du plaisir dans la pratique. C'est le sourire évoqué par Norberto Chiesa, c'est ce qui se dégage des réflexions d'Alain Salée, jeune vétéran, pionnier de l'aïkido belge ; c'est aussi ce qui ressort de ce que nous dit Jean-Pierre Avy, un des cadres de la FFAB.

C'est aussi l'image d'une génération, celle qui a maintenant trente ou quarante ans de tatamis dans le ventre, qui s'est engagée sans retenue ni arrières pensées dans une pratique intense. Ces temps sont évoqués par plusieurs de nos interlocuteurs, dont un que nous sommes particulièrement honorés d'accueillir dans nos colonnes, Maître Tamura. En plus de la suite de l'entretien dont nous avons publié la première partie dans notre numéro précédent, nous reprenons un article datant des années quatre-vingts mais qui nous est apparu d'une grande actualité. Déjà le dilemme unité/diversité, organisation/liberté s'exprimait de façon parfois douloureuse.

Il y a des maîtres, de vieux maîtres japonais d'une génération aujourd'hui presque entièrement disparue, qui ont marqué en profondeur ceux qui les ont rencontrés. Un de ces noms peu connus du grand public de l'aïkido est celui de Maître Arikawa, dont déjà dans notre numéro 10 Michel Bécart avait évoqué le rigoureux enseignement. Il est intéressant de rapprocher ce point de vue de ce que nous en dit Stéphane Benedetti. Si nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion d'évoquer cet autre grand maître que fut Hirokazu Kobayashi, ce fut par le truchement d'élèves directs de celui-ci. Les souvenirs dont nous fait part Stéphane Benedetti complèteront l'image que l'on peut se faire de l'attachante personnalité de cet homme trop tôt disparu. Au delà des affiliations ouvertes, Me Kobayashi a attiré et fasciné nombre de pratiquants appartenant officiellement aux « grandes » fédérations.

Moins souterraine est l'influence exercée par Me Chiba au delà du cercle de ses élèves proprement dits. Michel Bécart nous disait : « C'est lui le tout premier qui, par exemple au niveau des armes, nous a enseigné les armes suivant ce que faisait Me Saïto. » (Nous ne saurions trop recommander à ceux de nos lecteurs qui auraient manqué l'entrevue avec Michel Bécart de se procurer au plus vite les deux numéros dans lesquelles elle est parue.)

D'autres noms se font entendre, n'appartenant pas, eux, à la famille immédiate de l'aikido : celui de Maître Mitsusuke Harada, dont le karaté de l'école Shotokaï a été influencé par son contact avec Morihei Ueshiba. (Le professeur de Me Harada, Me Shigeru Egami, aurait dit à ses élèves après avoir été lui-même puissamment projeté par O Senseï : « C'est cet effet que vous devez vous efforcer de produire avec les techniques de karaté »).

Celui aussi de Jean-Lucien Jazarin, qui fut président du Collège des Ceintures noires et défenseur du judo traditionnel, ce judo « souple et détend » que mentionne avec nostalgie Me Tamura. Son livre « L'Esprit du Judo, entretiens avec mon maître » devrait faire partie de la bibliothèque de tout pratiquant. C'est de ce judo dont parle Jean-Pauk Avy : « le judo que nous pratiquions était fondé sur une posture très déliée avec au niveau de la colonne vertébrale, un dos droit. C'était un travail pour trouver les déséquilibres, pour faire jaillir des instants magiques où le corps perd ses appuis. » Cette rectitude dorsale, on la trouvera aussi traitée par d'autres auteurs et interlocuteurs d'Aïkido Journal.

Nous voudrions ainsi recommander à nos lecteurs un article ce situant, quoiqu'à un autre niveau, dans cette problématique : celui d'Anne Ducournet sur l'ostéopathie, une manière autre de voir et de traiter le corps.

On pourrait ainsi d'un article à l'autre tracer des lignes reliant ces convergences. Peut-être quelques lecteurs se livreront à ce jeu...

Ces références croisées montrent bien que pour diverses que soient les « boîte à outils » techniques respectives, pour apparemment dissemblables que soient les formes que prennent les pratiques des différents budo, le fond, tel qu'il s'exprime à un certain niveau de maîtrise, est bien le même. Faut-il encore pour le voir décaper couche après couche de vernis institutionnel, de mythologies sectaires, de fétichisme de « la petite différence ».

La rédaction

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