Horst Schwickerath Aussi épais que soient les murs qui protègent le dojo du monde qui l'entoure, il arrive que le bruit des chutes n'arriven pas à couvrir le son des canons qui grondent à l'extérieur. Ce fut le cas ces dernières semaines. Il arrive aussi, rarement il est vrai, que des pratiquants prennent au sérieux les paroles du fondateur donnant à l'aïkido pour mission de « réunir en une seule famille tous les êtres humains ».

C'est ce dont ont témoigné les organisateurs d'un stage réunissant entre autres aïkidokas israéliens et arabes qui s'est tenu à Zurich du 15 au 22 juillet. Le stage organisé par l'initiative «Training Across Borders » du réseau Aiki Extensions, a permis à des pratiquants venus du Proche et du Moyen Orient de travailler sous la direction de Kurt Bartholet (5e dan), de Zurich et de Miles Kessler (4e dan) de Tel Aviv. Le but : « favoriser les relations entre les peuples de la région par delà les divisions politiques. »

Ce stage est lui-même un prolongement de Salaam Shalom Aikido, une initiative qui « vise à créer des centres où Palestiniens et Israéliens pratiquent ensemble l'aïkido pour bâtir des liens inter-communautaires et renforcer les relations inter-culturelles. Le projet se base sur la capacité de l'aïkido à promouvoir la compréhension mutuelle pour œuvrer à une résolution constructive des conflits. »

L'Etat suisse, en refusant de délivrer des visas à deux délégués palestiniens a été pareil à lui-même.

Au cours de ce stage on a pu voir, selon le commentateur de la RTSI (télévision de Suisse italienne) « un Israélien enseigner la pratique des armes à un Palestinien, situation difficile à imaginer dans un contexte comme celui du Moyen-Orient, ensanglanté par la guerre ».

Coïncidence ? Dimanche 20 août on a pu assister (sur Arte, en direct de l'Alhambra de Grenade, haut lieu de la co-prospérité islamo-judéo-chrétienne sous les Almoravides ) à un concert de l'orchestre dirigé par Daniel Barenboim, le Divan occidental et oriental. Cet orchestre, dont le nom se réfère à un recueil de poèmes de Goethe, a été fondé en 1999 à Weimar, par le musicien israélien et son ami Edward Said, un intellectuel palestinien décédé depuis. Il réunit de jeunes musiciens de toute la région, israéliens juifs et arabes, palestiniens, jordaniens, égyptiens, syriens, etc.

Daniel Barenboim est tout à fait conscient qu' « on ne peut pas obtenir la paix simplement en faisant jouer des ennemis ensemble. » Mais en jouant ensemble ils prouvent qu'il est possible de dépasser la logique de ceux qui n'ont de perspective que la destruction de l'autre. Pour Barenboim et pour Said : « Il y a un parallèle entre la vie et la musique : dans un orchestre on doit non seulement s'écouter soi-même mais aussi s'écouter les uns les autres, et trouver constamment comment un passage se relie et se rapporte à ce qui suit et à ce qui le précède. » Et il s'agit de « travailler la musique en analysant la relation entre les instruments comme parabole de la construction d'une société. »

Certes, même si l'on parle d'harmonie dans les deux arts, l'aïkido n'est pas la musique. Mais ces deux initiatives procèdent d'une même démarche : établir un plan supérieur à partir duquel un dialogue puisse s'établir.

Il serait aussi tout à fait profitable pour les pratiquants de se mettre à l'écoute des musiciens. Et ce à divers titres. Ils pourraient commencer par comparer le nombre d'heures qu'ils passent en moyenne sur le tatami (et l'intensité de celles-ci) avec celui que passent les premiers à s'exercer. Ils pourraient, certains d'entre eux du moins, « non seulement s'écouter soi-même, mais s'écouter aussi les uns les autres". Ils pourraient aussi se demander si, de même qu'il n'y a pas « une seule interprétation correcte » d'une partition, il n'y aurait peut-être pas un unique style d'aïkido authentique (le leur), mais diverses interprétation de la partition composée par O Sensei…

Enfin, peut-être faudrait-il organiser un stage qui promouvrait l'harmonie et la paix entre pratiquants, groupes et fédérations d'aïkido ?
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