Horst Schwickerath Le débat sur la place du travail aux armes en aïkido est loin d’être terminé. Dans ce numéro d’AïkidoJournal André Cognard, élève de Kobayashi Hirokazu, 8e dan et Frank Noel, 7e dan de l’Aïkikaï de Tokyo, donnent leur point de vue sur ce point. André Cognard cite son maître : « La pratique de l’aikiken et de l’aikijo n’est pas une partie de l’aikido, c’est l’aikido ! » Il rapporte que pour Me Kobayashi « avec l’aikitaijutsu [aïkido à mains nues], ils constituent les trois éléments indissociables d’un triptyque qui ne livre son sens que lorsqu’il est exposé dans toute son intégrité ». Frank Noel, par contre, déclare lors de l’entretien qu’il nous a accordé : « Je ne considère pas que les armes soient indispensables. Cela dit, il est tout à fait vrai que c’est un outil pédagogique intéressant. Je ne considère pas du tout que les armes soient un préalable, que les armes soient la source de l’aïkido, mais c’est une expression, intéressante évidemment, de mêmes principes.»

Parmi les maîtres japonais, même parmi ceux qui furent élèves directs du fondateur, on peut rencontrer les points de vue les plus divergents. Me Saïto défendait la même position que Me Kobayashi, même si leur travail aux armes respectif n’était pas identique. Me Fujita, 8e dan et l’une des personnalités dirigeantes de l’Aïkikaï, a déclaré à de nombreuses reprises que l’enseignement et la pratique des armes n’avaient pas leur place dans le cadre de l’aïkido : « Dans la pensée de O Sensei (…) on n’utilise pas d’armes en aïkido (…) les armes ne font pas partie de la philosophie ou de la pratique de l’aïkido. » (Entretien avec Stanley Pranin, AikidoJournal n° 120). Le présent Doshu, Ueshiba Moriteru, petit-fils du fondateur, interrogé par Stanley Pranin dans le n° 118 de la même publication (homonyme mais sans relation avec la nôtre), laisse deviner l’origine du problème : « Il est certainement vrai que le fondateur travaillait souvent les armes comme le ken et jo, et expliquait que cela était de l’aïkido. Mais la plus grande partie de ma pratique s’est passée sous la direction de mon père, le précédent Doshu, et je suis donc enclin à partager l’interprétation qu’il a toujours mise en avant, qui est que les techniques à mains nues sont le fondement de l’aïkido». Notons toutefois que Doshu est assez tolérant pour dire qu’il ne trouve rien de mal à travailler le ken et le jo et qu’il n’y a aucune raison d’interdire cette pratique.

Entre ces deux positions extrêmes, on trouve toute la palette des possibles. Shirata Sensei utilisait le ken et le jo dans son enseignement, et montrait en particulier l’identité des déplacements de shiho nage dans les quatre directions avec quatre situations de défense contre attaquants multiples au sabre (ceux qui ne pratiquent que les « formes standard » omote et ura se sont-ils demandé pourquoi shiho nage s’appelait ainsi ?). De même Hikitsuchi Sensei. On ne saurait citer tous les shihans qui intègrent ainsi le travail aux armes à celui à mains nues, rappelons seulement qu’on n’imagine pas se rendre à un stage de Me Tamura sans prendre avec soi son «sac à outils». D’autres maîtres font pratiquer le iaïdo, soit comme partie intégrante de leur aïkido (Nishio), soit en parallèle (Chiba Sensei). D’autres encore, comme Christian Tissier ou Gérard Blaize, ont appris et transmettent telle ou telle école d’armes traditionnelle, Kashima Shin Ryu (ken) ou Shinto Muso Ryu (jodo).

Et il ne faudrait pas croire que la ligne de partage entre les «pro-armes» et les «anti-armes» recoupe celle qui divise ceux qui voient ou non dans l’aïkido un art martial. Stéphane Benedetti (que nous retrouvons dans ce numéro) a écrit dans nos colonnes : «L’aïkido est-il un art martial ? (…) Clairement, Non. (…) L’aïkido est un art de paix et de protection» et il fait pratiquer le bokken à tous ses stages. Par contre ceux pour qui l’aïkido vaut par son efficacité dans le combat dédaignent souvent le maniement du sabre de bois comme désuet et peu réaliste.

Nous reviendrons prochainement sur cette question, et nous demandons à nos lecteurs de nous faire parvenir leurs réflexions à ce sujet. Par ailleurs nous commençons dans ce numéro la publication d’une série d’articles sur la toile de fond historique de l’aïkido. Sans remonter au déluge, nous avons cru nécessaire de partir d’un exposé de ce qu’avait été le monde avec lequel rompait le Japon de la «restauration Meiji». Le prochain article traitera de la révolte des Takamori Saigo et de la création par Toyama Mitsuru de la Genyôsha.

votre aikidojournal

 

Un appel à nos lecteurs : Vous participez à un stage. Vous êtes enthousiasmés ou au contraire frustrés par ce que vous avez vécu. Vous avez beaucoup appris ou avez perdu votre temps et votre argent. Alors, qu’attendez vous pour faire partager votre plaisir ou votre colère ? Vous avez ramené quelques photos (essentiel !) ? Il ne vous reste plus qu’à vous mettre à vos claviers et nous envoyer votre reportage.

votre aikidojournal

© Copyright 1995-2024, Association Aïkido Journal Aïki-Dojo, Association loi 1901