Horst Schwickerath
Horst Schwickerath

Chères lectrices, chers lecteurs,

En ce temps de crise systémique de l’économie mondiale, avec toutes les conséquences désastreuses qu’elle va nécessairement entrainer, il est un peu léger de se lamenter sur la situation de l’aïkido. Mais l’aïkido est ici notre propos, et dans la mesure où il peut nous permettre de mieux supporter les vicissitudes du monde hors-dojo, et même de nous fournir des ressources pour les combattre, il n’est pas complètement futile d’en parler.

Un simple coup d’œil sur les têtes des pratiquants lors d’un stage laisse voir de plus en plus de gris et de peau. D’un côté, c’est bon signe : aujourd’hui un sexagénaire est un petit jeune, et qui a vu Me Tamura, qui va sur ses soixante-seize ans, effectuer roulade sur roulade sur la longueur d’un tatami peut se sentir rassuré : l’aïkido est bien une fontaine de jouvence. Néanmoins, le vieillissement progressif de la population des dojos n’est pas une bonne chose en soi. Beaucoup de ces vétérans ont atteint un niveau technique qui rend le travail « sans force » possible, et il faut bien avouer que la fougue et l’ardeur ne croissent pas avec l’âge. Conséquence : un (ou une) jeune qui recherche aussi – et c’est entièrement légitime – à brûler son trop plein d’énergie, à se faire plaisir et peut-être aussi un peu peur dans une pratique vigoureuse, à se mesurer à ses prochains, à trouver et dépasser ses limites, va souvent trouver ce qui se passe sur le tatami un peu trop languissant à son goût.

Ce n’est qu’une tendance, et il y a bien sûr de nombreux dojo où l’esprit martial et l’intensité physique de la pratique n’ont rien à envier à l’ « ancien temps ». Il y a toute une génération de jeunes 4e, 5e dan qui pratiquent et enseignent l’aïkido non parce qu’ils n’ont pas les moyens physiques de faire un autre art martial ou sport de combat mais parce qu’ils en ont goûté et que l’aïkido leur est apparu comme en incarnant l’essence. Reste que depuis quelques années il semblerait que le nombre de pratiquants baisse. Ou tout du moins celui des licenciés des grandes fédérations.

Peut-être allons nous revenir au temps ou les pratiquants se comptaient par centaines et non par dizaines de milliers, mais où l’engagement et l’enthousiasme des pionniers ont produit cette génération d’enseignants qui ont commencé à pratiquer au tournant des années 60-70, qui sont aujourd’hui sexagénaires ou presque et qui sont comme la colonne vertébrale de l’aïkido dans ce pays. Peut-être que l’aïkido n’est vraiment pas destiné, de par sa nature même, à être une activité de masse, et qu’à vouloir satisfaire le grand nombre, on est amené à offrir une pratique qui est à l’aïkido ce que le Canada Dry est au whisky. Nous soumettons cela à la réflexion de nos lecteurs.

Lecteurs qui trouveront dans ce numéro la suite des entrevues avec Bernard Palmier et Alain Peyrache que nous avons commencé à publier dans le précédent Aïkidojournal. Gérard Blaize, élève de Me Hikitsuchi, fait aussi partie de nos invités. Ces trois représentants de la « grande génération » donnent, chacun à sa manière un éclairage sur la richesse de l’aïkido en France. Notre ami André Cognard nous dit ce qu’il pense de récentes investigations dans le passé du fondateur et de ses fréquentations très peu « politiquement correctes ». Et Masato Matsuura nous explique les rapports qu’il établit entre le théâtre nô, l’aïki du Daïto Ryu et le kenjutsu. Vu la place que nous avons accordée aux voix vivantes de nos interlocuteurs, nous avons dû repousser à l’été la dernière partie de notre série sur Saïgo Takamori.

La Rédaction




PS : Nous voulons souligner encore une fois que les articles signés n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas nécessairement le point de vue de la rédaction.

 

Un appel à nos lecteurs : Vous participez à un stage. Vous êtes enthousiasmés ou au contraire frustrés par ce que vous avez vécu. Vous avez beaucoup appris ou avez perdu votre temps et votre argent. Alors, qu’attendez vous pour faire partager votre plaisir ou votre colère ? Vous avez ramené quelques photos (essentiel !) ? Il ne vous reste plus qu’à vous mettre à vos claviers et nous envoyer votre reportage.

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