Horst Schwickerath
Horst Schwickerath

Chères lectrices, chers lecteurs,

Pour autant que nous puissions désirer un AïkidoJournal mensuel – et le nombre d’abonnés et de lecteurs réguliers prêts à mettre la main à la plume ou au clavier que cela impliquerait – la parution trimestrielle qui est la nôtre comporte un avantage : elle nous fait vivre, le magazine et ses rédacteurs, au rythme des saisons.

Et voici donc pour la huitième fois le retour de « la rentrée », la fin de la parenthèse estivale qui pour un grand nombre de pratiquants signifie une pause que tendons et articulations apprécient, et pour les mordus le retour à une intensité normale, après avoir enchainé autant de stages d’été que leur calendrier et leur finances permettent.

L’arrivée de l’automne et la pincée de mélancolie qui l’accompagne ne doit pas nous faire sombrer dans un abime de pessimisme, même si le spectacle que donne, en dehors des tatamis, l’aïkido hexagonal peut parfois nous pousser en ce sens. Les guerres de religion et les querelles de chapelles ne cessent pas, entre les grandes fédérations, et au sein de celles-ci. Il y a les crocodiles qui ne tolèrent pas la présence d’un autre reptile dans leur marigot, il y a les vizirs qui se voient déjà calife, les savonaroles qui s’enverraient bien mutuellement au bucher. Et ils y a les pratiquants et enseignants, qui aimeraient que l’harmonie qu’ils s’efforcent de développer dans les dojos et les clubs s’étendent à l’ensemble de la société aïkidoïste.

Quant à nous, nous sommes allés respirer l’air pur de la montagne suisse et nous promener au bord du lac Léman, dit de Genève. Et nous avons rapporté de notre excursion deux entretiens, avec Gildo Mezzo et avec Pascal Krieger, la voix de la Suisse romande venant après celle de la Suisse alémanique représentée aussi par la suite des souvenirs et réflexions de Kurt Bartholet. Un Germain au nom français, deux francophones aux noms italien et germanique, voilà qui n’est pas pour déplaire aux cosmopolites qui publient ce journal…

Ces trois Suisses ont ceci de commun qu’ils ont choisi à un moment de leur vie de quitter leur Helvétie natale pour aller au Japon, à la source de l’aïkido et des budos en général. Uchi deshi à Iwama pour K. Bartholet, pratiquant assidu au Hombu Dojo pour G. Mezzo – qui retourne régulièrement au Japon pour se perfectionner en kenjutsu – , élève des Maitres Shimizu en jodo et Kuroda en iaïdo et en calligraphie pour P. Krieger, tous ont tiré de leur expérience une vision, disons plus haute et plus sereine, de ce qui se passe ici en Europe.

Parmi les pratiquants de haut niveau avec qui nous avons eu l’occasion de nous entretenir, nos lecteurs de longue date se souviendront combien sont passés par cette étape japonaise.

Si ce détour par le Japon n’est pas à notre avis une condition nécessaire – et certainement pas suffisante – à l’atteinte de la maitrise dans un art d’origine nippone, la démarche effectuée par ceux qui ont vécu en jeunes adultes ces quelques années formatrices loin de leur terroir d’origine, cette rupture d’avec son milieu, cette plongée dans un océan de langue, de culture, de mœurs étrangères et parfois étranges, leur a permis d’acquérir un vécu qui informe leur vision des choses, leur pratique et leur enseignement jusqu’à ce jour.

Les temps ont changé, bien sûr, et la situation économique actuelle, y compris au Japon, rend ce genre de décision largement plus difficile qu’il y a vingt ou trente ans. Mais justement, cette difficulté même ferait peut-être qu’aujourd’hui accomplir ce saut n’en serait que plus profitable. Go East young man ?

C’est la fin de l’été, et c’est peut-être aussi le temps de voir ou de revoir « Kohayagawa-ke no aki », l’avant dernier film de Yasujiro Ozu, un des grands, des très grands maitres du cinéma japonais. Connu en Occident sous le titre « La Fin de l’été » ou « Le Début de l’automne », ce film raconte les difficultés de la famille Kohayagawa, prise entre les valeurs traditionnelles et la modernité du Japon d’après-guerre. Un peu de nostalgie amère adoucie par un plein d’humour et de compassion, des acteurs jouant juste, une prise de vue amenant le spectateur dans l’intimité de la famille et des dilemmes auxquels elle est en prise… un délice de cinéphile qui pourrait être aussi le point de départ d’une réflexion sur notre relation au Japon, à sa culture, à son histoire.

A ce propos nous tenons encore une fois à signaler à nos lecteurs anglophones la fascinante série d’articles du président de la Fédération Internationale d’Aikido, Peter Goldsbury, sur le site d’Aikiweb (www. Aikiweb.com et cliquez sur « columns » dans le menu). Intitulé « Transmission, Inheritance, Emulation », la série – on en est à la quinzième livraison – expose le résultat des recherches, des réflexions et des expériences de P. Goldsbury sur l’histoire de l’aïkido, ses sources martiales mais aussi spirituelles et politiques, sur les influences diverses qui se sont exercées sur O Sensei. P. Goldsbury est particulièrement bien placé pour servir de truchement entre son sujet et nous : outre ses fonctions de président de l’AIF, il a enseigné – en japonais – l’histoire comparée des religions et la philosophie à l’Université d’Hiroshima et il dirige encore un dojo dans cette ville.

Sur ce, nous vous souhaitons à tous une bonne rentrée, et beaucoup de plaisir dans votre pratique.


L‘équipe de la rédaction



 

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