Horst Schwickerath

 

Chères lectrices, chers lecteurs,


Un comédien se transforme en une autre personne, il “joue” une autre personne – dès le premier instant où il débute le rôle, il transforme son identité sous couvert du jeu. Et pourtant, dès la fin de son rôle, il doit pouvoir retourner à son « identité antérieure ».
Les samouraïs ne naissaient pas samouraï. Mais ils entraient dans ce rôle dès que débutait leur formation réputée difficile. Jusqu’en 1876, un samouraï avait le droit de porter deux épées, et il pouvait les utiliser s’il l’estimait nécessaire, souvent lorsqu’il considérait que l’on ne lui avait pas montré assez de respect. En temps de guerre, l’art de manier les épées était vital mais vers la fin de l’ère des samouraïs, le « bon rôle » consistait plutôt à ne pas les utiliser …
Et pourtant, des décennies après cette ère des samouraïs et des temps de guerre, alors qu’il n’y en a pas la nécessité apparente, Me. Ueshiba crée un art que l’on rattache au Budo. Ce n’est que des années plus tard qu’il nomme cet art Aïkido. Nous n’étions pas en temps de guerre, et pourtant de nombreuses personnes suivirent l’enseignement de Me. Ueshiba, que les aïkidokas n’évoquent plus aujourd’hui autrement que sous le nom d’Osenseï. Ses meilleurs élèves furent envoyés dans le monde entier pour répandre cet art. Mais le fondateur, dans les vingt dernières années de sa vie a sans cesse évolué, transformé sa recherche de l’aïkido, de plus en plus spirituelle …
Et une personne lamda dans tout cela, que cherche-t-elle ? Elle se rend dans un dojo, afin d’y pratiquer l’aïkido pendant son temps libre ; elle se vêt de l’habit traditionnel et entre dans le rôle de shugyosha, “celui qui cherche” l’aïkido : se mouvoir, apprendre au travers des techniques, faire attention à son corps, transformer son attitude et travailler sur la conscience de son propre corps. Mais tout cela, en fin de compte, ne la transforme pas réellement puisqu’elle cherche encore, elle imite encore … Elle n’entre pas dans un rôle encore, elle reste elle-même, quelqu’un qui pratique … quelqu’un qui, par la pratique, cherche ?

On en vient à l’éternelle question : qu’est-ce que l’aïkido? Une pratique/ discipline sportive, où l’on joue au combat, où l’on fait « comme si » … ?
Apparemment, la plupart des rôles que nous jouons nous transforment en surface et seulement le temps du spectacle ; après avoir quitté la scène, nous nous retrouvons avec nous-même. Mais alors, quel type de transformation suscite l’aïkido ?


Alors que vous avez sous les yeux le numéro de juin d’AJ, nous sommes désolés d’annoncer le décès de deux pionniers de l’aïkido. Noro senseï et Pierre Chassang nous ont quittés et toute l’équipe d’AJ souhaite adresser ses sincères condoléances à leurs familles et ami-e-s.
Par ailleurs, nous souhaitons remercier Takeharu Noro, fils de Noro Sensei qui nous a fait parvenir de nombreuses et belles photos de son père.

Dans ce numéro, vous trouverez la deuxième partie de la discussion avec Raymond Bisch, deux colonnes intéressantes de Léo Tamaki et Olivier Gaurin. Martine Chéradame et moi-même avons rencontré Alain Floquet, dont le début de l’interview est publié page 43.


Nous souhaitons également vous informer que normalement nous avons terminé la remise à neuf de nos sites internet. Cela nous a bien demandé quelques mois de travail afin de relier tous les articles et pages web entre elles. Nous espérons que les informations et le service que nous souhaitons rendre à nos lecteurs et visiteurs vont ainsi vous parvenir plus efficacement et rapidement …


L’équipe d’Aïkido Journal

© Copyright 1995-2024, Association Aïkido Journal Aïki-Dojo, Association loi 1901