Eloge de la lenteur


Léo Tamaki pendant son cour à Bordeaux 2012.

Un article récent (2) de blog m’a été envoyé par un ami. Intitulé “Pour patiner vite, il faut s’entraîner lentement”, il reprenait les résultats très intéressants d’une équipe de chercheurs d’Amsterdam (3) ayant étudié les programmes d’entraînement des patineurs de vitesse néerlandais sur les dix dernières olympiades. Bien que le sujet ait traité du développement de capacités athlétiques, l’une des conclusions contre-intuitive, “les coaches ont réduit le travail intensif à son minimum et donné une part plus importante pour s’entraîner lentement”, rappelle une méthode d’entraînement méconnue de la pratique martiale traditionnelle, le travail à vitesse réduite.



Une tradition ancienne
Chacun a déjà vu des adeptes de Taï Chi Chuan travailler lentement. Et les curieux auront aussi probablement observé des pratiquants de Systema s’entraînant au ralenti. Ce type de travail est si représentatif qu’il est d’ailleurs devenu une des marques de fabrique de ces disciplines. Beaucoup moins, sans doute, savent que la pratique au ralenti est une des bases du Iaïjutsu dans certains Koryus, et notamment dans le Shinbukan Kuroda ryugi.

Maître Kuroda Tetsuzan (4) est probablement le maître de sabre le plus célèbre au monde. Si ses méthodes d’enseignement ne font pas toujours l’unanimité dans les cercles les plus conservateurs du Bujutsu, sa compétence martiale n’a jamais été mise en doute. Sa réputation est basée sur deux traits particuliers, les mouvements “invisibles” (dans le sens de « imperceptible par l’adversaire »), et sa vitesse d’exécution. Et ses capacités dans ces deux domaines trouvent leur origine dans le travail au ralenti, une tradition du Tamiya ryu Iaïjutsu (5).
Le Iaïjutsu est l’art de dégainer le sabre. La vitesse d’exécution y est primordiale, particulièrement dans la mesure où l’on considère souvent que l’adversaire a déjà son arme à la main. S’entraîner au ralenti pour des considérations de santé était bien évidemment totalement étranger aux préoccupations de survie des samouraïs, et s’ils ont adopté ce type d’entraînement, c’est uniquement parce qu’il leur permettait de développer une rapidité hors-norme.

Dans les arts martiaux chinois, c’est Yang Luchan (6) qui popularisa ce type de travail au 19ème siècle. Et son art se répandit très rapidement, non parce qu’il était bon pour la santé, ce n’est qu’une conséquence, mais parce que Yang démontrait des capacités de combattant hors du commun.



A quoi sert le travail au ralenti?
Le travail à vitesse lente a de nombreux bienfaits. En voici une liste non-exhaustive :
– lorsque l’on étudie un mouvement, la première étape est l’apprentissage de sa forme. Cette étude est souvent compliquée lorsque l’on tente de le réaliser à vitesse “réelle”. Prendre le temps de le réaliser au ralenti, comme lorsque l’on apprend à écrire, permet de l’intégrer plus efficacement.

– le stress dans la pratique martiale est causé par différents facteurs. Ralentir la situation, que ce soit pour un mouvement déterminé ou dans un travail libre, permet de ne pas rentrer dans une zone de panique, notamment pour les débutants. Travailler en confiance est une base souvent négligée dans un milieu où il est souvent de bon ton de parler de surmonter ses peurs. Surmonter ses peurs est un processus qui peut être réalisé de façon graduelle et dans la sérénité.

– le travail au ralenti permet une prise de conscience fine de l’action. Avec le temps l’adepte parvient à sentir les muscles qui sont en action, l’alignement des différents segments de son corps, etc. C’est la première étape vers la modification de l’utilisation du corps.

– une fois les éléments en action déterminés, il devient possible d’essayer d’avoir une action sur eux, et/ou d’en changer. On peut par exemple modifier les muscles utilisés pour réaliser un geste, ou la façon dont on les emploie.

– le travail au ralenti permet de développer le relâchement. Peu à peu il devient possible de dissocier très finement le travail des différents muscles mis en jeu, et d’inhiber tous ceux qui se contractent par habitude mais ne sont pas réellement utiles au mouvement. En conséquence la vitesse de réalisation augmente, et la respiration se pose.

– c’est un cercle vertueux. La respiration se faisant naturellement, elle ne vient pas gêner la réalisation du geste. Elle n’est plus une entrave à l’exécution du geste juste, mais une de ses conséquences.

– le travail au ralenti permet aussi d’accentuer artificiellement certains éléments, comme la fatigue musculaire afin de développer le corps du pratiquant et sa structure.

– travailler à vitesse lente réduit significativement le nombre de blessures.



Travailler lentement en Aïkido
L’Aïkido est décrit par …


 


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