PRÉAMBULE
En Aïkido nous vivons une époque absolument formidable : en effet on peut voir les résultats « on time » de ce qu’a enfin donné l’Aïkido, tel du moins qu’il avait été défini après la mort de son fondateur. Du 26 avril 1969 au 26 avril 2014 c’est en effet tout juste 45 ans de vie pour cet art synthétique. C’est aussi 45 ans du passage d’un art typiquement japonais à un art quasi unifié et désormais mondialisé. Ainsi donc on peut aujourd’hui, en 2014, découvrir plusieurs générations de pratiquants qui ont le bel âge, et qui à la fois sont issus et sont les résultats de cette pratique d’expansion fulgurante de l’art Aïkido. Mais à part leurs 40 à 50 ans de pratique et leurs 6° ou 7° dan d’aujourd’hui, ces 45 ans d’Aïkido, ça donne quoi finalement ?
« Maturité » de l’art… ? « Maturité » de quoi ? Ça veut dire quoi pour moi, «être connaissant » en Aïkido, ou être «mature » en Aïkido ? Ne faut-il pas passer ce danger de « l’ignorance de l’Aïki origine, du besoin d’Aïki » - sans doute le plus dangereux ? Et d’ailleurs, parcourir la voie de la connaissance, est-ce que cela consiste à être dépendant du fantôme des connaissances de Senseï décédés qui ont marqué nos vies ? Et peut-être ainsi perdre toute conscience de soi dans « le fantasme du plus fort que les autres, que tous les autres » ? Eh, Casimir, on se croirait dans « L’île aux enfants », non ?
L’ACTIF 1 : L’AÏKIDO C’EST LA VIE
L’Aïkido c’est la vie. Oui, ou ça devrait l’être. De toute façon, ça l’est effectivement, ne serait-ce que par défaut. Mais de quelle vie parle-t-on ici ? Encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce qui est proposé ou ce qui devrait l’être finalement, non, en Aïkido? Y a-t-il quelque chose en Aïkido de spécifique, quelque chose d’autre que du commun, de l’humain banal, fût-t-il magnifique, ce commun («éveil», puissance de soi, générosité, altruisme…)? Et sur ce point de ce qu’est la vie, l’image du Yin et du Yang, plate et simplette avec ses deux disques noir et blanc, me saute aux yeux. Osenseï disait que si on ne comprenait pas cette figure de rhétorique, on ne pouvait pas comprendre l’Aïkido. Oui, certes et je confirme, mais… là encore comment se mettre d’accord sur ce qu’on voit, sur ce qu’on juge de l’état ou de la dynamique des choses, en l’occurrence ce disque plat avec deux figures complémentaires entrelacées, ou… ? 2D, 3D, 4D, vitesse de la lumière et renversement des énergies: « Quoi ? Jusqu’où vont les échelles de compréhension ici ? ». Pourtant, exactement comme l’ont montré les très anciennes civilisations, les physiques et l’astrophysique actuelles nous répondent pareillement sur le sens fondateur de cette figure ancestrale : tout, absolument tout, du noyau de l’atome aux galaxies les plus grandes, change constamment de polarité en passant par le trou noir, le « couloir » central de leurs propres forces (voir l’illustration).
« MU », C’EST ÇA LE DEPART !
Reprenons : en Aïkido tout mouvement commence par la plus petite partie de vous qui est libre (fût-elle infime : votre main, un doigt, vos yeux, vos mots, un cri…), fût-elle immense (vous tout entier) ou carrément invisible (votre cœur par exemple). Tout part de là et nul je pense n’en disconviendra qui sache un peu du sens réel et historique de l’Aïki justement. Tout part de là, non de « la plus petite partie de vous », mais de la plus petite partie « ENCORE LIBRE » de vous (et c’est du très concret : sur une saisie, sur une attaque Shomen ou Yokomen, etc.).
Et voilà l’idée du Big-Bang générateur de l’Aïkido, même celui d’un Aïkido complètement fractionné et sans cesse recomposé à l’envie… Qui comprend cela ? Qui comprend qu’une attaque, c’est justement la tentative toujours « d’appropriation et de compression » de cette tendance massive de l’être à garder sa propre liberté d’être soi, ce que par exemple Spinoza exprimait dans l’idée très approchante je crois de « la persévérance à être» ? Rien que cela devrait nous faire comprendre des choses en Aïkido. La suite de l’histoire comme dans le Yin et le Yang (In et Yo en japonais), c’est «Big-Bang-Transformation » à partir du point « zéro», de contact : en Aïki aussi, comme dans le In et le Yo, la proposition s’inverse alors en tous les points (et c’était d’ailleurs cela le sens du mot «Aïki » originel: cette inversion de polarité). Avec une différence de taille cependant: Tori ne devient pas « chasseur», ni Uke à son tour une «proie», car Tori vient en fait rétablir des plans de grandeurs et d’équilibres relatifs à chacun par de la technique Aïki et leur donner une nouvelle identité (cela veut dire que le plus fort n’est soudain plus forcément le plus fort, et que le plus faible ne l’est peut-être pas non plus).
Voyez-vous ici le « lien obligataire » qui me semble à moi évident entre cette « objectivation » retournée en « sujetisation» d’avec…
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