Chers amis lecteurs,

 



C’était (toujours) mieux avant… Les jeunes d’aujourd’hui… De mon temps…

Scrogneugneu ! Le Q.I. moyen, tout comme le nombre et la qualité des spermatozoïdes des pauvres males, est en chute libre. Tout fout le camp.

Oui, parfois, ou même souvent, les choses ne vont pas en s’améliorant. Entropie, diront certains : c’est une loi de la nature, on n’y peut rien. Voire.  

Ceci dit, une fois l’excès de bile passé, aidé par quelques gorgées d’un Sauvignon blanc tout à fait honnête, reste que tout n’est pas rose dans notre petite (et elle ne va pas en s’accroissant) communauté, celle des pratiquants d’aïkido.
Une communauté, ce n’est pas seulement des corps se rencontrant, interagissant dans un lieu donné, c’est aussi une culture, une mémoire collective. Et c’est sur cet aspect-là des choses que nous voudrions attirer l’attention de nos lecteurs.
Les témoins directs des débuts de l’aïkido sont presque tous disparus. Tada Sensei et Yamada Sensei sont de précieuses exceptions. De génération en génération, la spécificité du message d’Ōsensei tend à se diluer, tant techniquement que spirituellement. Et nous risquons fort de nous retrouver dans la situation suivante : des anthropologues demandent aux membres d’une tribu le sens de leur assemblée annuelle. La réponse : « Nos ancêtres se réunissaient ici, et communiquaient avec les esprits. Ils connaissaient les paroles et les gestes, et ils comprenaient ce que les esprits leur disaient. Leurs fils se réunissaient ici, ils prononçaient les mots et répétaient les gestes, mais ne les comprenaient plus, et les esprits ne leur parlaient plus. Nos pères se réunissaient ici, ils avaient oublié les mots mais se rappelaient des gestes, sans en comprendre le sens. Nous nous réunissons ici, nous ne connaissons ni les paroles ni les gestes, mais nous respectons la tradition. »
Il faut donc revenir au sens des mots et des gestes.

Ce qui veut dire, entre autre, connaitre l’histoire de notre art, et donc aussi dissiper mythes et malentendus.
Quelques exemples : nous avons tous entendu ou lu la rituelle ritournelle sur le sens d’aïkido : « aï =harmonie, ki = énergie et do = voie ». Malheureusement c’est faux : aï n’a jamais voulu dire harmonie (en japonais wa 和), et aïki est une notion commune à de nombreuses écoles d’art martiaux japonais. (voir page 30). De même, l’utilisation de « go no sen, sen no sen, sen sen no sen », totalement étrangère à la nature de l’aïkido (voir le précédent numéro d’AJ, page 22) ou de l’idée que l’aïkido c’est du « zen en mouvement » qui aurait bien étonné Ōsensei (quoiqu’en pensent certains maîtres japonais eux-mêmes).
A un autre niveau, celui des faits historiques, un « fait alternatif » répété autant de fois que possible n’en reste pas moins une fiction. C’est le cas de la prétendue interdiction de la pratique des arts martiaux par les autorités d’occupation américaines, même si les contemporains en étaient convaincus (voir AJ N° 28). Mais aussi de la légende d’une tradition du Daïto ryu remontant au XIIIe siècle, du bushido comme code des samouraïs (voir le livre d’Oleg Benesch Inventing the Way of the Samurai) ou d’un Ōsensei pacifiste. On peut aussi mentionner l’effaçage de Koichi Tohei, le créateur, avec Kisshomaru Ueshiba, de l’aïkido tel que la plupart d’entre-nous le connaissons,  de l’histoire officielle, un peu comme dans la Russie stalinienne on retouchait les photos pour faire disparaitre les dirigeants purgés.
Le remède heureusement existe. Des chercheurs, des érudits, ont largement défriché le terrain. Toute une littérature est disponible, certes principalement en anglais.
Stanley Pranin, décédé il y a quelque mois, a consacré sa vie à l’histoire de l’aïkido. Les 120 numéros de sa publication Aiki News (puis Aikido Journal), ainsi que ses ouvrages sont un monument à l’histoire de l’aïkido. Malheureusement il semblerait qu’après son décès sa succession n’ait pas été assurée. Reste son site : http://aikidojournal.com/aikido-journal-store/  Espérons qu’il fonctionne encore.
Ellis Amdur a écrit deux ouvrages importants : Duelling with Ōsensei et Hidden in Plain Sight sur l’aïkido, son histoire et ses aspects, disons ténébreux (Disponibles sur https://edgeworkbooks.com/) ainsi que « Traditions martiales : Origine et transmission du savoir dans les écoles d’escrime japonaise » traduction française de son livre sur les koryu.

Peter Goldsbury, ancien président de la Fédération internationale d’Aïkido, professeur d’université à Hiroshima, a écrit une série d’articles sur l’histoire et l’arrière plan culturel de l’aïkido, parus sur le site aikiweb, lecture à notre avis indispensable :  http://www.aikiweb.com/forums/forumdisplay.php?f=75&filter[1]=Peter%20Goldsbury
Citons aussi le site de Chris Li : http://www.aikidosangenkai.org/blog/  sur lequel se trouve de nombreuses interview avec les grands maîtres de l’aïkido et des articles, dont certains en espagnol.
Ces quatre sources sont un bon point de départ, mais il faudrait aussi mentionner tous les sites, blogs et pages sur facebook, trop nombreux pour les nommer ici, qui apportent leur contribution cette culture que nous devons… cultiver et transmettre.

L’équipe et votre Henry Liberman



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