Chers amis lecteurs,
Tout débutant en aïkidō apprend, dès son premier jour sur les tatamis, que chaque technique peut s’exécuter, comme dans la chanson de Marie Josée Neuville – les plus anciens s’en souviendront, pour les autres : https://www.youtube.com/watch?v=jEI5wRzI4cc – « par devant » ou « par derrière ». Il mémorisera peut-être que la première façon est nommée omote, la seconde ura. Quand même n’aura-t-il pas confondu ces deux aspects avec irimi et tenkan, il associera sans doute, comme bon nombre de pratiquants, omote et ura à cette nomenclature technique. En fait, cela est surtout vrai de la mouvance Aïkikaï, d’autres styles non moins légitimes ayant opté pour d’autres appellations : le Yoshinkan se contente de différencier entre techniques « ichi » (omote) et « ni » (ura).
Comme le rappellent plusieurs des articles et points de vue à lire dans ce numéro, omote et ura ont un sens dépassant de loin l’exécution d’une technique. Plutôt que de développer ce point nous même, nous renvoyons nos lecteurs à deux articles qui bien mieux que nous ne l’aurions fait explorent et explicitent cette problématique : celui de Malcom Tiki Shewan, originellement paru dans Dragon spécial aïkidō, et republié par Léo Tamaki sur son site :
http://www.leotamaki.com/2017/09/la-notion-de-omote/ura-en-budo.html – et celui de Taro Ochiaï, provenant lui aussi de ce numéro de Dragon, à lire sur le site du Kansenkaï :
http://kansenkai.com/post/143938513032/ura-awas%C3%A9-par-taro-ochia%C3%AF-article-paru-dans
Pour notre part, nous rappellerons simplement ce que Tamura Sensei écrivait dans son livre : « Cette classification en omote wasa et ura wasa a probablement été introduite pour faciliter l’entraînement, cependant une part essentielle de la pratique consiste à rejeter cette classification, à refuser de s’y laisser enfermer. »
Pour résumer, l’omote est le côté extérieur, visible des choses, l’enseignement exotérique, l’ura, l’envers, le côté intérieur, l’enseignement ésotérique.
Un souvenir de Maître Tamura qui est tout à fait en rapport avec ce thème : il nous enjoignait régulièrement de « voler sa technique » (il faut croire que nombre de ceux qui se disent ses élèves ont été sur ce point d’une honnêteté sans pareille…). Il ne nous cachait (presque) rien, mais ces paroles du prophète Jérémie : « Ecoutez ceci, peuple insensé, et qui n’as point de coeur! Ils ont des yeux et ne voient point, Ils ont des oreilles et n’entendent point » -- Jérémie 5:21 -- aurait pu nous être adressées. (On pourrait peut-être lui reprocher de ne nous avoir pas assez « parlé en paraboles» : « C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent. » Evangile selon St Mathieu, 13 :13), mais c’était là le choix pédagogique de celui que nous appelions « Sensei ». Alors que tout était « omote » dans ce qu’il montrait, pour beaucoup d’entre nous, il y avait un mystère, un secret à découvrir : comme dans « La Lettre volée » d’Edgar Poe, l’évidence était telle qu’elle nous éblouissait.
Il est rassurant de constater que cet aveuglement ne nous est pas propre : nous pouvons continuer à espérer atteindre un niveau décent... Dans un entretien passionnant qu’il a accordée à Josh Gold, qui a entrepris de poursuivre l’oeuvre de feu Stanley Pranin, Christian Tissier, Maître Tissier, évoque à deux reprises son rapport à shomen uchi ikkyo. Quoique présentées séparément, nous pensons pouvoir nous permettre de considérer ces deux anecdotes comme une seule. Christian Tissier confie ainsi qu’à un point de sa pratique, il a éprouvé un blocage, une impossibilité de faire, devant ikkyo sur shomen uchi. Puis, à force de travail et de réflexion, sa recherche a abouti à une forme qui le satisfaisait. Plus avant dans l’entretien en question il raconte qu’en voyant une vidéo de Yamaguchi Sensei, son professeur avec qui il avait passé des centaines et des centaines d’heures, il s’est rendu compte que sa « découverte » était la forme même du mouvement de Yamaguchi Sensei. Combien de fois ne l’avait-il pas eue devant les yeux, sans la voir pour la retrouver des années plus tard par son propre travail! (L’intégralité de l’entretien, en trois parties :
http://ikazuchi.com/2017/06/06/christian-tissier-revitalizing-aikido/
http://ikazuchi.com/2017/06/15/christian-tissier-lessons-master/
http://ikazuchi.com/2017/07/20/christian-tissier-evolution-aikido/
La transmutation d’ura en omote, voilà l’alchimie de l’aïkidō …
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Par ailleurs, au nom de tous nos lecteurs, nous tenons à très sincèrement remercier Martine Chéradame pour sa précieuse collaboration.
Et pour finir, une bonne nouvelle : nos abonnés trouverons, comme par le passé, accompagnant ce numéro d’Aïkijournal, un échantillon de thé vert : Japan Premium Kagoshima Highlevel « thé d’ombre ».
Bonne lecture de ce numéro de décembre.
L’équipe d’AikidoJournal souhaite à tous ses lecteurs une bonne fin d’année, de joyeuses fêtes, et une encore meilleure année 2018.
L’équipe et votre Henry Liberman
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