Aïkidō, donner moins pour faire progresser plus


Léo pendant notre entrevue …

L’incroyable richesse du catalogue technique de l’Aïki
Il y a 856 techniques en Daïto ryu. Ou 2884. Ou…
Et en Aïkido ? Si l’on compte les formes omote, ura, les variations… un peu moins. Mais beaucoup quand même. Oui le chemin est long. Mais si on s’applique bien. Et que l’on a réussi à collectionner toutes ces formes. On n’est généralement pas plus avancé ! On se retrouve même souvent prisonnier d’un catalogue de techniques rigides, caricaturales et vides de sens.

Le temps précieux
L’existence d’un homme n’est pas même une étincelle. A peine a-t-elle commencée qu’elle est déjà terminée. Et des générations de nos semblables se sont questionnés sur le sens à donner à ces instants fugaces sans parvenir au moindre consensus. La majorité d’entre nous s’accorde toutefois à trouver que sa vie a de la valeur, et que le temps est précieux. Sans présumer de la justesse de ces opinions, je crois que tout enseignant doit s’appliquer à respecter les sentiments des élèves qui le suivent.
A titre personnel je m’efforce de ne jamais oublier que les pratiquants qui me font face auraient pu investir leur temps, leur argent et leur énergie ailleurs. Qu’ils me font confiance pour les aider à obtenir le plus rapidement et efficacement possible, des résultats concrets dans leur pratique.

Quels buts ?
Je considère l’Aïkido comme une Voie permettant à chacun de développer son potentiel dans les domaines physiques, mentaux et spirituels. Cela se traduit notamment par le fait de surmonter ses peurs et comprendre son propre fonctionnement à tous les niveaux d’être. Mais cela passe aussi par des objectifs à courts et moyens termes.
A ce titre, la ceinture noire ou tout autre grade peuvent être des objectifs intermédiaires tout à fait légitimes. S’ils ne récompensent pas le temps qui sépare l’élève de ses débuts, son investissement financier ou ses qualités de courtisan, mais bien des qualités concrètes et objectives. Et ces objectifs sont autant d’outils qui, bien utilisés, permettent d’évaluer son cheminement

Mieux et plus vite
J’ai constamment à cœur de créer les conditions pour que les pratiquants qui suivent mon enseignement puissent développer plus rapidement leurs qualités et capacités. Non pas en rendant les choses plus faciles, mais la formation plus efficace. Si j’attends un engagement important de leur part, je me dois en contrepartie de faire en sorte que chaque effort amène le maximum de résultat. Ainsi je ne cherche pas à rendre les choses plus faciles, mais plus efficaces.
Comment cela se passe-t-il concrètement. Si, fidèle à mon habitude je n’entrerai pas dans les détails techniques, voici les grandes lignes du processus.

Elaguer
Tout d’abord, si le souci que j’ai d’aller à l’essentiel s’applique à mes cours, cela se retrouve avant tout dans le cursus du Kishinkaï. C’est ainsi que nous nous retrouvons régulièrement avec Isseï, Julien et Tanguy pour passer en revue le catalogue technique de l’école, partager nos recherches, et apporter les modifications qui en résultent. Aujourd’hui cela se traduit sous trois formes.
La première est un programme officiel plus restreint que dans la majorité des écoles. Aucunement limitatif, il a vocation à être la base commune de l’enseignement, et donc à être connu par l’ensemble des enseignants

La seconde est une liste restreinte de techniques choisies dans ce catalogue, qui forment le cursus que doivent connaître les pratiquants. Comptant aujourd’hui un peu plus d’une centaine de mouvements, il couvre l’ensemble des attaques, principes et stratégies de l’école. Si le nombre de variations à connaître est limité, il est plus que suffisant pour acquérir les capacités et qualités que nous développons. Le catalogue plus étendu des enseignants compte lui un choix plus large leur permettant de varier la présentation des éléments qu’ils souhaitent transmettre. J’ai la certitude que cette liste restreinte que nous avons définie pour les pratiquants, leur donne TOUS les éléments leur permettant d’atteindre le plus haut niveau.

Une troisième liste condense plus encore, regroupant une poignée de techniques fondamentales qui, si elles manquent délibérément de variété, permet de toucher à l’essentiel dans le plus court temps possible. Cette liste n’a pas vocation à devenir la base, mais est un outil utile lorsque nous avons à former des personnels spécialisés, et une base sur laquelle s’appuyer pour guider les premiers pas des pratiquants avant de leur présenter un catalogue plus varié et attractif.

Enseigner moins de techniques
Alors que je mettais un point d’honneur dans mes premières années d’enseignement à balayer l’ensemble du répertoire sur une saison, c’est aujourd’hui un choix délibéré de concentrer les cours sur une poignée de techniques. Ainsi je suis loin de parcourir même le tiers du catalogue réduit que nous avons mis en place.
Naturellement, je peux me permettre d’agir ainsi car j’ai de nombreux anciens parmi mes élèves qui, lors des entraînements libres, ainsi qu’avant ou après les cours, sont capables de transmettre l’intégralité du cursus. Un enseignant ayant essentiellement des débutants devra s’astreindre à être plus exhaustif pour le bien de ses élèves.

L’avantage de travailler un nombre restreint de techniques est multiple. Tout d’abord les pratiquants développent des automatismes. Les gestes sont imprimés plus profondément dans leur corps, et peuvent être réalisés avec plus de précision.
Les techniques sont en outre accessibles plus rapidement, car après avoir balayé le superflu, le pratiquant dispose d’un catalogue plus succinct. L’éventail plus restreint permet un “choix” plus rapide (à noter que ce processus de choix est inconscient dans la très large majorité des cas).
Un nombre de mouvements plus réduit permet par ailleurs de travailler les principes plus profondément. Sans perdre de temps à intégrer des détails fastidieux et sans grand intérêt.
Enfin, la quantité retreinte de techniques laisse plus de place au développement de variations personnelles, et au travail d’adaptation. Chaque pratiquant contribue ainsi à la vie et l’évolution de la discipline en s’appropriant ses principes et techniques.

Gain de temps
Loin de moi l’idée de vouloir céder au plus grand, plus vite et plus fort. La virtuosité martiale nécessite un temps incompressible lié aux possibilités d’intégration et d’évolution techniques, physiques et mentales.

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