Ta mère est un bon uke


Léo Tamaki pendant notre entrevue …

Milieu des années 90. La vingtaine naissante et les hormones en ébullition, ébloui par ma rencontre avec Tamura senseï, je me lance passionnément dans l’aïkido. Mais passé par le karaté et d’autres disciplines où l’on trouve plus de confrontation, je considère avec dédain la majorité de mes compagnons de pratique. Parmi les rares à trouver grâce à mes yeux, un jeune homme basané. Souriant, il attaque avec enthousiasme, et arrive à suivre quelle que soit l’intensité. Je pratique avec plaisir avec lui et me dit que cela lui donnera aussi l’occasion de progresser. Mais peu à peu je me rends compte que… ce jeune homme m’enseigne sans le dire et sans paroles! D’un niveau clairement supérieur au mien, suffisamment sûr de lui pour ne pas avoir besoin de me le faire sentir, il m’a généreusement corrigé sans que je m’en rende compte à travers le prêt de son corps en tant qu’uke. Ce jeune homme était Brahim Si Guesmi.

Effet Dunning-Kruger

“L’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance.”
Charles Darwin

Mon expérience avec Brahim est l’illustration parfaite dans un contexte martial de l’effet Dunning-Kruger, un biais cognitif selon lequel les moins qualifiés dans un domaine surestiment leur compétence. Il se traduit par le fait que:

 La personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence ;
La personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement ;
La personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence ;
Si une formation de ces personnes mène à une amélioration significative de leur compétence, elles pourront alors reconnaître et accepter leurs lacunes antérieures.

Cela m’amène au moins à penser qu’il y a eu un minimum de progrès. Mais là n’est pas le sujet.

Uke
La pratique martiale se transmet par le travail, généralement répété, de mouvements où l’un des protagonistes recevra la coupe, frappe, clé ou projection, après ou sans attaque initiale de sa part. En aïkido ce partenaire est communément appelé uke.
Dans les anciennes traditions martiales du Japon, le rôle de uke était essentiellement tenu par un ancien ou l’enseignant. Et pour le peu que j’en connais, c’était aussi le cas dans le reste du monde. Ce système n’a pas simplement de nombreux avantages, c’est tout simplement une évidence. Car un ancien :

Sait quels éléments sont travaillés dans un mouvement ou un enchaînement particuliers ;
Peut moduler l’intensité du travail en fonction des nécessités ;
A suffisamment d’assurance pour ne pas avoir besoin de rentrer en compétition avec celui qui exécute la technique ;
Etc.

Pourquoi, comment ces rôles ont-ils été inversés en Aïkido, est sujet à interprétation. Mon sentiment est que cela remonte au créateur du Daïto ryu, Takeda Sokaku, qui souffrant probablement d’un stress


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