Chers amis lecteurs,

 

Faute de place, nous avons été contraints de repousser d’un numéro la présentation du nouveau livre de Jaff Raji, « Kokoro no Kamae, un état d’Esprit » mais nous pouvons sans plus attendre en recommander la lecture.

Disons quand même qu’une des réflexions qu’il nous a inspirée porte sur la place des pratiquants et enseignants « non-gaulois» dans le développement en France des budo en général et de l’aïkidō en particulier. Sans même s’attarder sur l’évidence : le virus de l’aïkidō a été introduit « chez nous » par des étrangers aux yeux bridés et au français approximatif. Mais aussi, combien serait plus pauvre le paysage martial de l’hexagone sans tous ces hommes et femmes venus du pourtour méditerranéen – du Maghreb ou de Turquie, d’Italie et de la péninsule ibérique ; d’Europe de l’Est ; des anciennes et actuelles colonies françaises d’Afrique et d’Outre-mer, et bien sûr, car c’est la patrie de ce qui fait la spécificité de l’aïkidō, la paresse scientifique, de l’Île de beauté …
Et nous voulons d’autant plus souligner l’apport de tous ces frères et sœurs de pratique qu’il n’y a pas besoin d’un sens olfactif très aiguisé pour sentir en Europe le retour de la puanteur qui a tourmenté ce continent dans les années trente et quarante. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » (Bertold Brecht).
Mais aussi, d’ici ou de là nous sont parvenus au cours des ans – oh, jamais ouvertement, toujours en allusions et euphémismes, en procédés rhétoriques qui se veulent subtils – des relents sinon de racisme virulent, du moins de xénophobie latente. Et ceci est totalement, fondamentalement, profondément en contradiction avec le message d’Ōsensei. L’aïkidō est, par essence, universel, autrement dit, cosmopolite, pour ne pas dire internationaliste !
On nous opposera les liens, sociaux et même amicaux, qu’entretenait Ueshiba Morihei avec des tenants de ce qu’il faut bien appeler une forme particulière de fascisme. Certes, mais même avant la «coupure » de 1942-1945, une des caractéristiques de l’idéologie panasiatique qui animait ce milieu, les Osawa Shumei, Ishiwara Kanji ou même Fujisawa Chikao (et nous allons bientôt parler plus en détail de ces personnages et leurs idées, c’est promis) et bien sûr de l’Omotokyo de Deguchi Onisaburo et de ses surgeons, c’est un messianisme universaliste : le Japon est prédestiné à jouer le rôle de rédempteur du genre humain parce que c’est dans le kokutai, le corps national, que s’incarne l’universel… Comme toute idéologie, elle était un oripeau dont se drapaient les intérêts des zaibatsu et de l’Etat japonais, mais comme toute idéologie digne de ce nom, loin de n’être que le boniment que déversent les politiciens de tout bord, elle doit, pour être efficace, représenter une croyance profonde. Quand Ishiwara Kenji écrit que depuis que l’Empereur Jinmu a déclaré l’idéal de hakkō ichiu (les huits coins du monde sous un même toit), le principe de l’harmonie universelle, la tâche divine du Japon a été de rendre parfaite son kokutai et ainsi de synthétiser toutes les civilisations pour que l’harmonie et la paix règne sur le monde, pour étrange que cela nous puisse paraître (et nous verrons, chez Fujisawa Chikao des choses encore plus bizarres…) il exprime là une profonde conviction. Et on retrouve ces accents chez Ōsensei.

Bonne lecture de ce numéro de juin.

L’équipe

        
Dans le dernier numéro d’AïkidoJournal nous avons fait paraître un article, « Une grande famille » qui a suscité quelque émotion et causé quelque trouble. Ce n’était certes pas notre intention et nous regrettons sincèrement d’avoir provoqué ces désagréments. Plus grave, notre article mentionnait une discrépance entre deux versions d’une interview parue sur le site de Guillaume Erard. La correction aurait voulu que nous nous adressions directement à lui pour éclaircir cela. Les circonstances de la réalisation de ce numéro (l’hospitalisation imminente du responsable de la publication et réalisateur d’AJ) n’excusent en rien notre négligence à ce faire. Quelle que soit l’impression qu’il ait pu avoir, nous n’avons en aucun cas eu l’intention de mettre en doute ni la bonne foi ni l’intégrité de Guillaume Erard. Nous lui présentons nos profondes excuses, et espérons qu’il les acceptera. Quant au fond de l’article en question, nous laissons nos lecteurs juges.
Rétabli après son passage sur le billard, Horst Schwickerath, le honcho d’AikiJournal, signale qu’il n’apprécie pas du tout, mais vraiment pas du tout, que qui que ce soit utilise les photos qu’il a prises et dont il possède les droits d’auteur, sans son autorisation et de plus sans citer leur source.

Par ailleurs, tout le monde se lamente de voir l’âge moyen des pratiquants tendre vers celui de Jeanne Calment. Si nous n’avons (encore) que peu de lecteurs centenaires, et quand bien même l’aïkidō serait-il une source de jouvence, à force de s’entendre dire sur les tatami « ne pas regarder ! », les pratiquants (dont certains nous suivent depuis 25 ans !) se plaignent parfois d’une vue déclinante, et voudraient … voir AJ offrir une plus grande lisibilité. Que ceux de nos lecteurs qui n’ont pas ce problème nous pardonnent, mais pour satisfaire à cette demande, nous allons essayer diverses polices de caractères : si vous êtes séduits par une d’entre elles, faites-le nous savoir !


P.S. : Contrairement à l’espace virtuel, le papier n’est pas extensible à volonté: que nos lecteurs prennent patience, la rubrique d’Olivier Gaurin prévue pour ce numéro paraîtra dans le suivant!

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