Devenir soi


Germain pendant une stage à Valence

Le Budo est souvent décrit comme un système d’éducation à base martiale. Le mode de transmission employé est le plus souvent le kata. Il s’agit de répéter une forme préétablie afin de l’acquérir puis d’intégrer les principes corporels et stratégiques qu’elle contient.

Ce mode de transmission a été choisi pour de multiples raisons. Si certaines d’entre elles sont très probablement culturelles, il semble évident que le kata existe aussi parce qu’il est efficace pour transmettre une compétence combative. Bien sûr, le kata n’est pas la seule étude nécessaire à la préparation au combat, le travail libre est aussi fondamental. Cette seconde étape est d’ailleurs rarement abordée de nos jours.

Un maître et un élève
Ce qui m’intéresse de décrire aujourd’hui c’est l’impact de la pratique du kata sur l’individu.
Ce type de transmission implique un sachant et un apprenant. Autrement dit un maître et un élève. Cela semble logique. Là où le bât blesse, c’est lorsque l’on glisse du sachant vers le sachant omniscient. Car être maître d’aïkidō ne signifie pas être maître en tout...

La fonction d’un système est de nous aider dans notre progression, pas de faire à notre place. Par conséquent, quel que soit le système employé et quelle que soit la qualité du transmetteur, il existe toujours un moment où l’individu doit franchir une étape seul, simplement armé de son courage et de son intelligence.

Malheureusement, la rigidité des systèmes que nous employons (notamment les systèmes japonais, mais pas exclusivement), tend à nous placer dans une forme de passivité : nous attendons que le prof nous dise quoi faire. Notons que ce mécanisme est renforcé si l’enseignant a glissé dans le champ du sachant omniscient.
Ainsi, nous pouvons devenir d’excellent « copieurs » de la forme, sans pour autant jamais atteindre la cible : nous-même.

Faire plaisir
En effet, à trop vouloir copier le moule, à trop vouloir devenir un « bon » pratiquant, nous devenons le moule et nous ne sommes plus tout à fait nous-même. Aucun jugement ici : les arts martiaux permettent simplement de mettre en exergue un mécanisme qui consiste à vouloir faire plaisir afin d’être aimé. Ce faisant, on rentre dans une spirale sans fin qui consiste à essayer de deviner ce que veut l’autre (le prof, le jury, le public, les parents, le conjoint, etc.) et se plier en quatre pour y correspondre. Cela rend temporairement heureux, mais sur le long terme on s’oublie et on ne sait plus qui on est.

Pour moi la question fondamentale est donc : comment avec une forme figée telle que le kata, peut-on aller vers l’expression de soi ?
En d’autres termes : comment intégrer une prison peut nous rendre libre ? Libre du regard des autres et libre du regard que l’on porte sur soi.

Accepter d’être traversé
À titre personnel j’ai trouvé des réponses à ces questions dans les moments de pratique les plus stressants : les passages de grade et les démonstrations.
À mon sens, il y a deux manières de vivre le moment que l’on passe sous le regard des autres : être dans le contrôle et ne montrer que ce que l’on veut que les autres perçoivent, ou bien accepter d’être traversé et montrer toutes les parties de soi.
On est facilement tenté de vouloir introduire du contrô … lisez plus dans l'AJ n° 72FR

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