Vie d’aïkidōka


à Bourg Argental 2014

Que signifie ce do que l’on traduit par « voie » ? Celui qui suit une voie diffèrerait-il de tout autre ?

J’ai l’habitude d’aborder cette question dans mes cours quand je démontre au sabre le travail avec deux attaquants.
Je vais donc sans attendre répondre à ma question. L’essentiel, ce qui permet d’emporter la victoire, c’est d’aller exactement là où il faut. Ce n’est ni la vitesse pure, ni la force, ni je ne sais quelle compétence exceptionnelle ou prouesse physique qui donnent l’assurance de la victoire, c’est de savoir précisément où aller et être capable d’y aller.
Ainsi, je réponds aussi à ma seconde question : La voie est ce qui permet de toujours savoir où aller.
Je suis bien conscient qu’il serait un peu court d’en rester là.

Deux attaquants qui frappent simultanément avec force et vitesse ne peuvent être contrôlés tour à tour que si shite est capable de se déplacer vers un espace précis qui permet l’application d’une tactique définie. Mais pour l’appliquer, c’est-à-dire pour être capable d’y aller, il faut avoir pris le contrôle des trois réactions auxquelles tout être en danger est, à défaut d’un entrainement spécifique, soumis : fuite, agression, sidération.

Le budōka sait toujours où aller, et par conséquent, j’aurais peut-être dû formuler ma question en écrivant « À quel endroit celui qui suit la voie diverge-t-il en s’écartant de la voie commune ? ». La voie commune, c’est celle de la réactivité immédiate.
A l’instar de celui qui marche en montagne et suit un chemin balisé, le budōka n’a pas de doute sur sa direction et son objectif. La voie a été balisée par son maître.
Encore faut-il avoir été disciple pour reconnaître ce balisage invisible aux yeux ordinaires.
Se déplacer vers le point qui permet de contrôler à coup sûr les assaillants n’est possible que pour celui qui reste lucide, c’est-à-dire celui qui ne cède pas à la colère, ni à la peur, ni à la violence. La divergence radicale se produira quand le budōka aura pris le contrôle de sa réactivité, c’est-à-dire quand il aura pris la maîtrise de soi.
La voie implique l’action d’un maître, laquelle consiste à transmettre la maitrise, la pratique n’étant que la substance de la relation.
Certes, c’est encore aller vite que de commencer et finir là à propos de ces deux questions. Reprenons pas à pas.

La première étape consiste donc à abolir tout réflexe défensif. Ce n’est pas simple car la survivance de l’animalité dans l’humain lui commande de manière impérieuse une des trois réponses basiques – agression, fuite, sidération – en fonction d’une appréciation sommaire et directe du rapport de force.
La violence admise dans notre société fait de cette réactivité une qualité caractéristique du héros moderne. Il n’est en particulier pas facile de se départir de ce lieu commun qui veut considérer comme juste une colère et une réponse violente dans une situation perçue comme relevant de ce que l’on nomme la légitime défense. Appliquer cet adage que mon maître mettait en avant : «ne jamais défendre, défendre c’est avoir déjà accepté sa défaite » implique d’avoir fait un bon bout de chemin intérieur, d’avoir libéré sa conscience des emprises résultant des vécus traumatiques, autant dire s’être libéré de la problématique identitaire et de ses corollaires.

La seconde est donc de savoir faire prévaloir une conviction éthique sur sa propre réactivité.
Avoir des valeurs, en faire le critère primordial de ses choix, c’est cela suivre une voie. Comment réfléchir à une situati … lisez plus dans l'AJ n° 73FR

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