Le point de vue d'editions n°42FR d'AJ

La figure du Maître dans l’aikido ou « l’anti-prêt à penser ».


André Cognard à Bourg Argental – 2011.

Le mot maître est souvent employé dans les arts martiaux. Il est diversement entendu. Certains l’emploient avec facilité, comme on use du « maestro » en italien et du « sensei » en japonais, c’est-à-dire avec une certaine désinvolture. Maestro s’applique tout autant à un artiste, un auteur, un professeur d’arts martiaux ou un maître d’hôtel. Il n’engage pas celui qui le prononce à autre chose qu’une certaine politesse et exprime la reconnaissance d’une compétence qu’il n’est pas nécessaire de définir. Sensei comporte de nombreuses similitudes avec ce maestro. On dit Sensei pour reconnaître une position hiérarchique, dans un cadre relationnel implicite. Sensei, textuellement « celui qui est né avant moi » est fréquemment employé pour une personne éminente dans une réunion, mais il suffit d’être tout simplement le plus âgé pour se l’entendre dire. Parfois, on désigne comme sensei celui qui invite à manger ou celui qui est en position de le faire. (Donc soyez méfiant si vous vous trouvez à table avec des personnes qui se mettent soudainement  à vous donner du sensei !!!)

On dit Sensei pour un médecin, un professeur quelle que soit la matière enseignée et l’idée qui a longtemps couru dans les arts martiaux français que ce titre était réservé à un maître avéré est absolument fausse. Dans nos pratiques où la familiarité qui abolit systématiquement les distances, rendant tout enseignement sérieux impossible et remettant tout engagement intérieur aux calendres grecques, est souvent de mise, le titre sensei peut apparaître comme un exotisme pompeux, il peut prendre un caractère flatteur, voire flagorneur ou pire, obséquieux et cela, précisément parce qu’il y a confusion avec maître. Pourtant, le seul emploi que je retiens comme juste dans ce cadre est celui d’une personne s’adressant à celui qui lui enseigne ou parlant de lui, et ceci, quelque soit le niveau de l’un comme de l’autre. L’élève débutant ou très haut gradé dira « sensei » à son enseignant et parlera de celui-ci avec d’autres personnes en utilisant ce titre. Le fait de ne pas ajouter de nom ou de prénom derrière sensei indique que vous parlez bien de votre professeur. Si vous parlez d’un enseignant qui n’est pas le vôtre mais qui est reconnu ou de l’enseignant de votre interlocuteur, vous mettrez son nom devant sensei. Ainsi, un élève de monsieur Dupont dira à monsieur Dupont  « Bonjour Sensei », parlant de monsieur Dupont avec qui que ce soit, il dira également « sensei » et parlant avec qui que ce soit de l’éminent professeur Durand dont il n’est pas l’élève « Durand Sensei ». Cependant, s’adressant à monsieur Durand qui n’est pas son professeur mais celui de nombreux collatéraux, il dira aussi «Bonjour Sensei », et cela par respect du bon usage du français qui considère comme une faute de mettre un nom derrière un titre. Vous ne devez pas dire à votre boulangère « bonjour madame Dupain » qui est grossier mais « bonjour madame » (Voir cette citation de Farrère par Le Bidois : « Monsieur Dubourg » commença-t-elle bravement. « Ne dites jamais ainsi, s’il vous plait ! D’inférieur à supérieur, rien n’est plus vulgaire, rien ne sent de plus loin la province, dans le plus mauvais sens du mot, ou la familiarité très déplacée. Dites « monsieur » tout court, et toujours.). Ainsi, j’incite tout élève à faire usage du mot sensei à l’endroit de son professeur, ce qui définit le cadre de la relation sans équiv …

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